Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/52

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béant ; quelques-unes n’ont pas de souliers ; d’autres pressent dans leurs bras des marmots de trois, quatre ou cinq ans ; il y a des bébés maigres, rachitiques, qui oublient en dormant qu’ils ont eu faim dans le jour et qu’il faisait bien froid sur les quais. Comme dans la pièce d’en face, des malheureuses sont allongées par terre, autour du poêle ; les chevelures défaites trainent dans la poussière du sol.

On pouvait voir un soir, étendue sur le parquet, une pauvre septuagénaire, raide comme un cadavre et dont le visage était entouré d’une auréole de cheveux blancs.

« C’est le second soir, disait le sergent de ville, qu’elle vient ici avec son mari. Seulement, le vieux a en plus de chances, il a trouvé place sur le lit de camp. »

Faut-il avoir souffert, — ou quelle horreur faut-il avoir du travail — pour en arriver a escompter des bonheurs comme ceux-la !

Mais le jour parait, et, qu’il vente, qu’il neige ou qu’il pleuve, il faut partir. Le poêle ne chauffe plus ; l’air est vicié par l’entassement des dormeurs. Allons, dehors ! Et philosophiquement, avec cette démarche lourde de gens qui paraissent porter sur leurs épaules le fardeau de leurs infortunes ; eux, les meurt-de-faim et les gueux, les « sans-travail »