Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les « sans-domicile » recommenceront leurs longues promenades sans but, à travers les rues et les quais de Rouen, en attendant que le chauffoir leur serve nouveau d’asile le soir.

Une idée revient obsédante quand on quitte ce chauffoir : « N’y a-t-il que de la fatalité dans le sort de ces malheureux ? Ou bien, quels sont les fautes, les paresses, les vices ou les crimes qui ont pu conduire tant d’êtres humains à une pareille dégradation morale et physique ? »

Lorsque le chauffoir est plein, sait-on où va coucher le « soleil » — Au violon municipal ! Quel est le Rouennais qui n’a pas aperçu le soir, en hiver, en traversant la place de l’Hôtel-de-Ville, de dix heures à minuit, une ombre noire se dessinant dans le lointain sur la neige et s’étendant quelquefois de plusieurs mètres à partir de l’entrée du poste de police ?

En approchant, on reconnaît un entassement d’hommes et de femmes. On voit des pantalons en loques, des robes de toile usées, décousues, déchirées, sous lesquelles les membres amaigris par les privations de toutes sortes, par les jeunes désespérés et par les