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Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/96

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Voilà pour les grands théâtres, et ce sont malheureusement les seuls qu’on trouve maintenant à la foire. Les autres ne peuvent plus supporter la concurrence. Ils se transforment peu à peu en concerts exotiques. Un seul tenait bon depuis longtemps parce qu’il avait toujours pour lui les enfans : c’est la Tentation, du père Legrain. Là, les personnages ne coûtent pas cher à entretenir : ils sont en carton et la lumière électrique est remplacée par une flamme de Bengale, qui fait des « apothéoses » splendides de deux minutes.

Mais que va-t-il en rester aux saisons prochaines, de cette Tentation de Saint-Antoine que toutes les générations de Rouennais ont vue depuis soixante ans ? De cette Tentation qui fit songer des penseurs comme Gustave Flaubert et Georges Sand, et qui inspira à Louis Bouilhet de fort jolis vers.

Pourra-t-on même, s’il persiste, lui faire retrouver sa vogue de jadis, alors que le père Legrain était dans toute sa verve, et qu’il paraissait communiquer son souffle endiablé à ses marionnettes éblouissantes.

Pauvre père Legrain ! Il compte quatre-vingts ans bien sonnés, s’il n’est pas encore mort. Comme il est loin de ce temps où, jeune encore et possesseur d’une immense barbe