Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/80

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Les troupes destinées à défendre le château étaient sous les armes. Le Roi les passa en revue, il entra dans les rangs : son maintien décelait le chagrin qui l’oppressait ; mais l’air de bonté dont son visage portait habituellement l’empreinte n’en était point altéré…

— Eh bien, disait-il, on assure qu’ils viennent… Que veulent-ils ? Je ne me séparerai pas des bons citoyens : ma cause est la leur.

De toutes parts, sur le Carrousel, à la place Louis XV, sur le quai des Tuileries, les cris menaçants redoublaient, et le tumulte augmentait. Les assaillants débouchèrent en plusieurs colonnes traînant avec eux des canons et des munitions de guerre[1]. La place du Carrousel se remplit de peuple. Le cri général était : « Déchéance ! déchéance ! » Les canons furent

  1. Pendant une partie de la nuit le tumulte se borna hors des Tuileries, où il arrivait successivement de nouveaux renforts de garde nationale ; mais malheureusement il en vint beaucoup trop, car la plupart était déjà séduite et dans de perfides dispositions. À neuf heures du matin, on suggéra à mon père de faire le tour de tous les postes pour encourager les troupes à le défendre, mais on n’entendit dans les cours du château que très peu de cris de « Vive le Roi ! » Et ce qui fut pis encore, c’est lorsqu’il voulut entrer dans le jardin, les canonniers, les plus pervers de tous, osèrent tourner leurs canons contre le Roi, chose incroyable, si je ne pouvais attester l’avoir vu de mes propres yeux (Extrait des Mémoires de madame la duchesse d’Angoulême donnés par elle à madame François Hüe).