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À la charrue, hélas ! défendent d’approcher.
Sur ses maigres produits leur appétit se régle.
Leur pain, c’est de l’avoine alliée à du seigle.
Dans les jours solennels, ce bon peuple charmé
Vit de pommes de terre, et de lait écrémé.
Cette utile racine audessus des éloges,
Ce fécond tubercule est la manne des Vôges.
Aux vaches, il prodigue une source de lait ;
À leurs maîtres contents, il offre un pain tout fait.

 Le pauvre les accable au sein de leur misère.
Il visite souvent leur grange hospitalière.
L’indigent, l’étranger sont sûrs d’un bon accueil :
Le cœur d’un montagnard ne connaît pas l’orgueil,
Il connaît la candeur, la pitié, la tendresse.
De ses nombreux enfans l’essaim joyeux le presse.
Il ne peut leur laisser des trésors superflus,
Il les forme au travail ; c’est leur léguer bien plus.
Le travail est le Dieu qui rajeunit la terre,
Qui féconde la paix, qui répare la guerre.
C’est le devoir du pauvre et sa félicité.
Le châtiment du riche est dans l’oisiveté.

 Ne croyez pas pourtant que les Vôges stériles
Ne présentent jamais à l’habitant des villes
Que le noir sarazin, dont le pain lourd et mat
Doit être rebuté d’un gosier délicat.
Ausone qui, jadis, chanta notre Moselle,[1]
De ses poissons exquis rend la gloire immortelle.

  1. Le meilleur ouvrage d’Ausone est un poëme de 483 vers, sur la Moselle. Il y décrit, en beaux vers, le chabot, la truite saumonée, l’ombre, le barbeau, le saumon, la lamproye, la perche, la tanche, l’aloze, le goujon, l’esturgeon, &c. &c.