Page:François de Neufchâteau - Les Vosges, poème récité à Épinal, 1796.pdf/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14

Il conduisit exprès l’Alceste de Molière,[1]
Quand il conçut l’utile et périlleux dessein
De le raccommoder avec le genre humain.
Ah ! si l’auteur charmant qui mit son conte en scène,
Eût connu la Moselle aussi bien que la Seine,
Parmi nos montagnards s’il eût un peu vêcu,
Certes, le Misantrope eût été mieux vaincu.

Ce n’est pas seulement aux nymphes de Plombieres,
Que nous pouvons, parmi des beautés singulières,
Demander de nos maux les remèdes certains.
N’avons nous pas Bussang, Contrexéville et Bains ?
N’avons-nous pas Saint-Diez ?… à notre confiance,
Ces sources ont un droit, c’est notre expérience.
Elles en ont un autre, et c’est leur agrément ;
Même en pleine santé, leur séjour est charmant.
Je n’oublierai jamais que dans Contrexéville
J’ai vu tous les amours exilés de la ville,
Avec tous les talens se donner rendez-vous :
De leur réunion Paris étoit jaloux.

Mais j’ai nommé Paris. Ses beautés vont peut-être,
Méconnoissant l’attrait des lieux qui m’ont vu naître
Et persifflant tout haut mon goût provincial,
Dire : comment peut-on vivre dans Épinal ?
Ô ! célestes objets, votre charme est suprême ;
Le bonheur, loin de vous, peut sembler un blasphème,
Pardon : mais votre image, au fond de nos déserts,
S’unit à des objets, qui ne sont pas moins chers.
Si vivre, c’est aimer, sachez qu’ici, mesdames,
De l’amour, mieux qu’ailleurs, on peut sentir les flammes :

  1. L’auteur des Contes Moraux a placé la scène du Misantrope corrigé près de Bruyere. Le C.  Dumousier en a fait une jolie comédie.