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L’esprit est moins distrait, le cœur moins partagé :
Vénus est, dans les champs, si belle en négligé !
Loin du bruit de Paris, que vous seriez charmées,
En voyant de nos Bals les valses animées !
Vous ne trouveriez pas mon pinceau trop flatteur.
Vous diriez : des rochers l’amour est l’enchanteur.

Ces titres ne sont pas les seuls de notre gloire.
Les Vôges ont aussi leur place dans l’histoire ;
Et de grands souvenirs, dans nos fastes vivans,
Peuvent sur leurs sommets attirer les savans.

Je ne veux pas pourtant chercher dans la montagne
Les forêts, où l’on dit qu’a chassé Charlemagne,
Ni des preux chevaliers déterrant les blazons,
Aux tyrans féodaux rendre leurs vieux donjons.
J’abhorre les donjons, les tyrans, et leur suite.
Grâce au ciel, de nos jours, la race en est détruite.

À Senones, plutôt, si l’on me le permet,
J’irai voir le tombeau du modeste Calmet.
On peut lui pardonner ses erreurs monacales :
Il a de son pays débrouillé les annales.
Dans son vaste savoir Voltaire alla puiser.[1]

Sous les sapins d’Ormont, j’irai me reposer.[2]
Là, j’entendrai l’écho de la roche des fées,

  1. Ce fut dans la fameuse bibliothèque de Senones que Voltaire ramassa les matériaux, de son grand essai sur les mœurs et l’esprit des nations, le premier bon livre qu’on ait eu sur l’histoire moderne. Voyez, dans sa correspondance, les lettres où il dit qu’il s’est fait moine chez Dom Calmet.
  2. Montagne à l’orient de Saint-Dié, de quinze cents
    pieds de hauteur, où l’on trouve deux promontoires appellés les roches des fées.