Ayant fait la connaissance du jeune garçon, qui, le visage orné d’une longue barbe blanche, figurait le célèbre et symbolique prisonnier, et s’évadait ainsi chaque jour à trois heures de son odieux cachot devant un public nombreux et charmé, je sus sa hâte quotidienne, non moins régulière que son évasion, de quitter aussitôt sa grande barbe fort incommode, et d’aller rejoindre dans un café voisin une petite amie avec laquelle il attendait l’heure du dîner en jouant au jacquet.
Celui-là savait exactement pourquoi il s’évadait, et la liberté lui présentait des buts certains et précis : la grande barbe, la petite amie. Mais il était moins un évadé qu’un fonctionnaire…
À la différence de son successeur de 1889, je suis persuadé que le véritable Latude, et avec lui la plupart de ses compagnons, dont les cachots s’ouvrirent à la date désormais célèbre du 14 juillet, étaient beaucoup moins fixés, en accueillant leur liberté, sur l’emploi qu’ils en pourraient faire.
On pense toujours à ce chien attaché qui jappe furieusement en tirant sur sa chaîne, et s’efforce à des bonds désordonnés ; et les gens qui passent, inquiets, dans son voisinage, se disent que, si la chaîne venait à casser, ce serait terrible ; la chaîne casse ; les gens s’enfuient frappés d’épouvante, — cependant que