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GUIDE DU BON SENS

le chien, avec, au cou, son morceau de chaîne brisée, hésite, demeure immobile, et se contente de pousser les sourds grognements, non plus de la bête qui s’apprête à bondir, mais de celle, décontenancée, qui ne sait pas où aller.

Ces hésitations participent d’ailleurs de cette même incertitude que nous apportons le plus généralement aussi bien à préciser notre pensée qu’à formuler un vœu ; il y a en nous des tas de souhaits et d’appétits en puissance, qui, plus longtemps et plus fortement ils ont été contraints, et moins, rendus libres enfin de se satisfaire, ils en paraîtront pressés.

Nous sommes tous pareils au petit mendiant, que l’on voit stationner, avec des yeux d’admiration et d’émouvante convoitise, devant la vitrine du pâtissier ; une fée passe, ou quelque personne sensible, qui prend par la main le petit mendiant, entre avec lui dans la pâtisserie, et, s’approchant du prodigieux étalage, l’invite à choisir tous les gâteaux qu’il lui plaira, « financiers », ou « religieuses », tartes aux fruits ou à la frangipane, éclairs ou babas.

Et le petit garçon qui rêvait, il y a un instant, d’avaler toute la boutique, on dirait qu’il n’osera même plus se décider à manger un seul gâteau…

Ce n’est pas le tout d’être libre, il s’agit d’exercer sa liberté.