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GUIDE DU BON SENS

Aussi bien, qu’est-ce au juste qu’un homme libre ?

On répond : — Un homme libre n’obéit qu’à sa conscience et à ses instincts !

Conscience, ou instincts, c’est donc qu’il obéit tout de même.

Tu n’es pas libre de manger les pommes du voisin ; qui t’en empêche ? D’abord les gendarmes ; ta conscience ensuite, à supposer qu’il n’y eût pas de gendarme ; ou ta conscience d’abord, et les gendarmes ensuite, si, mieux que les gendarmes, voire en leur absence, ta conscience t’interdit de prendre ce qui appartient à autrui.

Mais les gendarmes fussent-ils absents et ta conscience défaillante, il y aura toujours ceci pour t’empêcher de manger les pommes du voisin : c’est que tu n’aimes pas les pommes, ou que, les aimant, tu crains de t’en rendre malade.

La liberté n’a donc rien d’instinctif en nous, puisque nos instincts eux-mêmes peuvent s’opposer les premiers à son exercice.

L’exercice de la liberté ne s’appelle-t-il pas couramment une jouissance ? On se plaît à dire que l’on jouit de la liberté. C’est bien ce qui prouve qu’il y faut toute une organisation préliminaire, et c’est précisément le fait de l’éducation et de la civilisation qui, en nous imposant tout un ensemble de lois, nous laisse