Page:Franc-Nohain - Guide du bon sens (1932).djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
GUIDE DU BON SENS

la faveur insigne, nous procure le plaisir supérieur, de transgresser ces lois ou de leur échapper.

La liberté apparaît ainsi la grande jouissance des gens bien élevés, et l’on ne se sent vraiment un homme libre que dans une société civilisée.

Seul l’enfant qui a des parents attentifs à le surveiller, et une gouvernante assommante mais empressée, apprécie la liberté de marcher pieds nus dans le ruisseau ; l’enfant qui est élevé sans surveillance, l’enfant élevé dans le ruisseau, connaît cette liberté, mais ne l’apprécie pas ; il en use trop pour que l’on puisse prétendre qu’il la goûte.

On veut représenter l’homme civilisé comme chargé de chaînes : au premier rang de ces chaînes, si l’on peut dire, il porte, en effet, un faux col, une cravate, un pantalon…

Par ailleurs, cependant, tous les explorateurs vous le diront : il n’est pour l’homme sauvage, c’est-à-dire que nous n’avons pas encore civilisé à notre manière, il n’est jouissance comparable à celle de mettre un faux col, de mettre une cravate, même dût-il ne mettre rien d’autre en guise de vêtement.

Sans doute existe-t-il d’autres formes de la liberté, que d’être libre de mettre ou de ne pas mettre une cravate, de mettre ou de ne pas mettre un faux col.