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GUIDE DU BON SENS

peu que les choses se gâtent et qu’une menace se précise, la prétendue fraternisation ne tardera pas à aboutir à l’affreux mot d’ordre : « Chacun pour soi !… »

Aucun instinct ne sera heureusement efficace, que s’il est heureusement dirigé, efficacement développé. C’est à quoi le bon sens s’offrirait ici de bonne grâce, pour que l’école du bon sens devînt aussi une école de fraternité.

La première leçon en serait assurément contre l’égoïsme, étant admis, d’ailleurs, que le bon sens, dans ses conseils comme dans ses critiques, ne se place pas au point de vue ni au service de la morale, mais au point de vue, et pour la servir, de la raison ; on a d’ailleurs tôt fait de s’apercevoir que ce qui est immoral est déraisonnable.

Le bon sens ne dit pas à l’égoïste : — Fi ! comme c’est laid !… — mais : — Sot, comme c’est bête !…

Le type de l’égoïste, c’est Pierrot, dont une fausse interprétation a voulu faire le type du rêveur, parce que l’on a pris pour de la pâleur et comme un reflet de lune son visage barbouillé de farine et ses vêtements blancs ; d’ailleurs, il n’est pas sûr que les rêveurs, distraits, ne donnent parfois à un certain égoïsme le masque élégant et commode de la distraction.