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LE DUC D’ENGHIEN.

ennemi du peuple français ; 3o d’avoir reçu et accrédité près de lui des agents dudit gouvernement, de lui avoir procuré les moyens d’entretenir des intelligences en France, et d’avoir conspiré de concert avec lui contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État ; 4o de s’être mis à la tête d’un rassemblement d’émigrés français et autres, soldés par l’Angleterre et rassemblés sur les frontières de France, dans le pays de Fribourg ; 5o d’avoir pratiqué, dans Strasbourg, des intelligences tendant à faire soulever les départements circonvoisins, pour y opérer une diversion favorable à l’Angleterre ; 6o enfin d’être l’un des fauteurs et complices de la conspiration tramée par les Anglais contre les jours du premier consul.

Le prince montra dans ses réponses le plus grand sang-froid et le plus ferme courage : « J’ai combattu avec ma famille, dit-il, pour recouvrer l’héritage de mes ancêtres ; mais, depuis que la paix est faite, j’ai déposé les armes, et j’ai reconnu qu’il n’y avait plus de rois en Europe. »

On prétend que les juges, frappés de tant de noblesse, hésitèrent un moment ; qu’ils écrivirent au premier consul, qui renvoya la lettre avec ces seuls mots : « Condamné à mort ! » Cette nouvelle atrocité n’est pas admissible. Les juges avaient sans doute leurs instructions ; et, quand le temps l’eût permis, auraient-ils osé interrompre le sommeil du dictateur, si tant est qu’il ait pu trouver du repos pendant cette nuit homicide ?