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Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/107

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SOUVENIRS D’UN PAGE.

Quoi qu’il en soit, les juges prononcèrent, à l’unanimité, un verdict affirmatif sur tous les points. Il est à remarquer que le jugement ne fait point mention qu’aucuns témoins, soit à charge ou à décharge, aient été entendus. La précipitation de l’instruction ne permettait point de la revêtir de toutes ces formes, qui eussent laissé à l’accusé la possibilité de faire valoir ses moyens de défense.

Il était quatre heures quand le prince quitta la salle. On le conduisit alors vers le lieu de son exécution, en descendant dans le fossé par un escalier étroit et obscur. L’officier qui le conduisait était, pense-t-on, ce même Dautancourt, dont j’ai parlé plus haut. Il avait été averti dans la nuit pour commander un détachement destiné pour Vincennes. Il avait été élevé dans la maison de Condé, et n’en avait pas entièrement perdu la mémoire, aussi n’apprit-il pas sans une certaine tristesse la mission dont on l’allait charger. Le prince, dit-on, l’avait reconnu, et, pendant qu’il lui témoignait sa joie de le revoir, l’officier baissait les yeux et pleurait.

Cependant le prince, en parcourant ces souterrains humides, se retourne vers le chef du détachement et lui dit : « Est-ce que l’on veut me plonger tout vivant dans un cachot ? — Non, Monseigneur, lui répond ce dernier en sanglotant, soyez tranquille ! » On continue cette marche funèbre. Tout à coup, le duc croit apercevoir les apprêts du supplice ; il s’écria : « Ah ! grâce au ciel, je mourrai de la mort d’un soldat ! »