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SOUVENIRS D’UN PAGE.

Autrefois nos bons aïeux, moins douillets que nous, se contentaient d’un vaste foyer où toute la famille réunie se préservait des rigueurs de l’hiver. Le jour de Noël, personne ne manquait à l’office de la nuit ; et le feu restant abandonné pour plusieurs heures, on y déposait une bûche énorme, la souche de Noël, pour que toute la famille grelottante vint au retour de l’église, près d’un immense brasier, faire chaudement le joyeux réveillon. Cet ancien usage subsistait encore à la cour. Chaque cheminée, la veille de Noël, était chauffée par une grosse bûche, bien peinte, ornée de devises et de fleurs de lis, et qui rappelait les mœurs antiques.

C’est un des plus beaux attributs de la souveraineté que celui de donner la grâce aux criminels ; et l’usage voulait que cette grâce ne fût point refusée à ceux que le roi rencontrait sur sa route. J’en vis un jour un exemple. Louis XVI, revenant de la chasse, rencontra, sur le chemin de Saint-Cyr, un pauvre déserteur qu’on reconduisait à son régiment pour y subir sa punition. Le soldat, instruit ou non de ce que cette rencontre avait d’heureux pour lui, se jeta à genoux et, les bras tendus vers le roi, implora la clémence du souverain. Le monarque envoya sur-le-champ l’officier des gardes avec l’ordre de faire expédier les lettres de grâce. La gaieté du monarque pendant le reste de la journée montra avec quelle satisfaction son cœur avait exercé cette touchante prérogative de sa royauté. Mais, comme elle aurait pu devenir abusive, on avait soin de faire