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SOUVENIRS D’UN PAGE.

restait insensible à tout, même à cette belle apostrophe :


Que diront les Français, que dira ton vieux père ?


Un acteur, nommé Dorival, chargé de débiter ces mauvais vers, avait une prononciation gênée, ce qui ne l’empêchait pas d’être très-bon dans les rôles de raisonnements, où il ne commettait jamais un contresens. Mais ce jour-là sa langue s’embarrassa tellement, qu’on entendit :


 
Que diront les Français, que dira Dieu le Père ?


Un immense éclat de rire, qui gagna les acteurs eux-mêmes, accueillit cette étrange interprétation. Mais à la fin du quatrième acte, un sifflement aussi aigu que prolongé partit du haut de la salle. C’était, je l’ai dit, chose inouïe aux spectacles de la cour. Ce manque de respect, la position de la loge grillée où se plaçait le roi, tout persuada que le monarque avait pu lui seul pousser cette note malheureuse qui perça sûrement le tympan de M. Chénier, fit éclore sa monstrueuse tragédie de Charles IX, et le rendit l’ennemi irréconciliable des rois.

Voici comment La Harpe juge la malheureuse tragédie d’Azémire dans une lettre au grand-duc de Russie, depuis empereur Paul Ier : « Un M. Chénier, jeune aspirant, qui fait profession d’un grand mépris pour nos meilleurs écrivains, a fait jouer à Fontainebleau une