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Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/292

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MINISTRES.

d’un naturel timide, avait une crainte exagérée de déplaire à la cour et aux grands. Doué d’un sens droit et d’un esprit éclairé, il était pourtant sans vigueur et sans génie[1]. La mort seule l’enleva à l’amitié de son souverain. Il mourut dans l’hiver de 1787. L’usage ne voulant pas qu’un cadavre restât dans la maison du souverain, on l’avait transporté à sa petite campagne, dans l’avenue de Paris, où tous les corps se rendirent pour le conduire au cimetière ; puis, en sortant de là, on se rendit au bal de la cour. J’ai cru devoir faire mention de ce contraste, autant parce qu’il peint les mœurs et les usages de la cour, que parce que j’ai lu dans un ouvrage moderne, qu’à la mort de M. de Vergennes tous les plaisirs furent suspendus.

Le baron de Breteuil avait toute la capacité nécessaire pour occuper longtemps le ministère de l’intérieur, car il ne fallait pas de grands talents pour diriger les affaires de la maison du roi et les intendances du royaume ; sans cela le baron aurait succombé sous le poids de sa besogne. Jamais, au reste, on ne joignit plus de vanité à une plus grande nullité. J’ai vu une caricature qui représentait ce ministre, et qui, pour toute inscription, portait un air noté de l’opéra du Magnifique, dont les paroles sont : « Oh ! c’est un beau cheval ! »

Le chef de la justice était alors le chancelier Maupeou. Exilé dans sa terre depuis plusieurs années, il

  1. Voyez Mémoires de Bouillé.