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Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/311

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SOUVENIRS D’UN PAGE.

aux deux autres ordres ; au commandement il joignit la prière, toujours si puissante sur le cœur de la noblesse française, et la réunion eut lieu. Le tiers état, plus nombreux que les deux autres ordres, augmenté encore par le grand nombre de curés qui s’étaient mis dans ses rangs, eut la majorité dans toutes les délibérations. Dès lors la révolution était consommée. Il n’eut fallu, avec quelques troupes, qu’un peu d’énergie pour dissoudre ces États ; mais on en manqua, et les factions eurent tout le loisir de se rendre maîtresses.

Quoique j’aie été témoin des séances les plus fameuses des États généraux, je ne les analyserai point, Je ne parlerai plus que d’un événement relatif à ces États, c’est-à-dire de la séance du 16 juillet, ou le roi, se dépouillant de l’appareil du trône, vint franchement s’expliquer au milieu des représentants de son peuple. Quel ne fut pas notre étonnement, lorsqu’en sortant de la messe, à midi, nous vîmes le roi, au lieu de rentrer dans les grands appartements, descendre les escaliers de la chapelle, traverser les cours et, avec le service ordinaire, se rendre à pied à la salle des États et prononcer ce beau discours que les historiens s’empresseront de transmettre à la postérité. Notre retour fut plus brillant. L’assemblée entière, dans un moment d’enthousiasme, suivit les pas du monarque, de ce prince malheureux qui venait avec confiance réclamer des factieux eux-mêmes, non son pouvoir, mais le bonheur de ses sujets. On rentra à la chapelle, où on chanta le Te Deum. À peine put-elle contenir la foule, qui se