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SOUVENIRS D’UN PAGE.

Une fois le roi à Paris, La Fayette triompha pour quelque temps. Il se montrait partout à la tête d’un nombreux état-major composé de gens tarés ou ruinés et de quelques individus plus jeunes, imbus de principes libéraux qu’ils avaient rapportés d’Amérique, sans avoir assez d’expérience pour en calculer les conséquences.

La Fayette arrivait presque tous les jours au lever du roi, au moment où le bataillon de garde relevait l’autre. Sa mine pâle et sans expression se confondait avec ses cheveux blonds, sans poudre, dont l’échafaudage présentait un désordre étudié, comme pour attester les travaux et les fatigues du héros. Des épaulettes énormes, comme les portent les Américains, le distinguaient du reste de l’armée française, et semblaient indiquer les changements qu’il méditait. Son arrivée aux Tuileries faisait toujours le plus grand bruit parmi ses sots admirateurs, tandis que nous affections un tel mépris qu’on ne se levait même point à son passage, égard que l’on avait pour la personne de la cour la moins marquante. La Fayette répondait à ce mépris par un rire niais qui semblait dire qu’il se croyait trop au-dessus du vulgaire pour ne pas être à l’abri de ces atteintes, et que ce mépris, loin de le toucher, était la marque de sa supériorité. À sa suite, on voyait un prince de Salm, la honte de sa famille, insultant par son luxe à la misère de ses créanciers ; un duc d’Aumont, plus connu parmi les filles de Paris que dans les bonnes compagnies ; un Courtaumer, un d’Or-