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ENFANTS DU ROI.

mon pauvre cœur était bien agité, et regrettait encore plus fort la patrie qu’il chérit toujours bien. Quel changement des départements à Paris ! On ne veut plus d’assignats depuis Charenton. On murmure tout haut contre le gouvernement. On regrette ses anciens maîtres et même moi, malheureuse ! Chacun s’afflige de mon départ. Je suis connue partout, malgré les soins de ceux qui m’accompagnent. Partout je sens augmenter ma douleur de quitter mes malheureux compatriotes, qui font mille vœux au Ciel pour ma félicité. Ah ! ma chère Rennette, si vous saviez comme je suis attendrie ! Quel dommage qu’un pareil changement n’ait pas en lieu plus tôt ! Je n’aurais pas vu périr toute ma famille, et tant de milliers d’innocents. Mais laissons un sujet qui me fait trop de mal.

Mes compagnons de voyage sont très-honnêtes. Notre M. Méchain est un très-bon homme, mais bien peureux ; il craint que les émigrés ne viennent m’enlever, ou que les terroristes ne me tuent ; il y a peu de ces gens-là, mais il craint à cause de sa responsabilité. Il veut faire un peu le maître, mais j’y mets bon ordre. Il m’a appelée quelquefois sa fille, dans les auberges, ou bien Sophie, mais je ne l’ai jamais appelé que monsieur ; il a dû s’apercevoir que cela me déplaisait. Mais il a pu s’épargner cette peine, car, dans toutes les auberges, on m’appelait Madame, ou ma princesse.

Quant à madame de Soucy, elle ne m’a pas plu davantage qu’à son ordinaire ; elle n’a pas plus d’esprit, et