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Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/65

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SOUVENIRS D’UN PAGE.

versel. À ce pieux et premier mouvement de la reconnaissance, un second mouvement succéda. Le roi conduisit Madame au milieu de ses gardes : « Voilà, dit-il, les fidèles gardes de ceux que nous pleurons ; leur âge, leurs blessures et leurs larmes vous disent tout ce que je voudrais exprimer. » Il se retourne ensuite vers nous, en disant : « Enfin, elle est à nous, nous ne la quitterons plus, nous ne sommes plus étrangers au bonheur. » N’attendez pas, Monsieur, que je vous répète nos vœux, nos pensées, nos questions ; suppléez à tout le désordre de nos sentiments. Madame rentra dans son appartement pour s’acquitter d’un devoir aussi cher que juste, celui d’exprimer sa vive reconnaissance pour S. M. l’empereur de Russie. Dès les premiers pas qu’elle avait faits dans son empire, elle avait reçu les preuves les plus nobles et les plus empressées de son intérêt ; et le cœur de Madame avait senti tout ce qu’elle devait à ce souverain auguste et généreux auquel le Ciel a donné la puissance et la volonté de secourir les rois malheureux.

Après avoir rempli ce devoir, Madame demanda M. l’abbé Edgeworth. Dès qu’elle fut seule avec ce dernier consolateur de Louis XVI, ses larmes ruisselèrent ; les mouvements de son cœur furent si vifs qu’elle fut prête à s’évanouir. M. Edgeworth, effrayé, voulut appeler. « Ah ! laissez-moi pleurer devant vous, lui dit Madame ; ces larmes et votre présence me soulagent. » Elle n’avait alors pour témoins que le Ciel et celui qu’elle regardait comme son interprète. Cepen-