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MONSIEUR.

prince ne fut moins fait pour lui ressembler et pour reconquérir son royaume. Loin d’avoir le courage de ce modèle qu’ont choisi, mais trop tard, les princes de la maison de Bourbon, Monsieur craint le mal et la fatigue. Sans caractère, il a laissé dominer tous ceux qui l’ont entouré ; sans force pour mettre l’ordre parmi tous ceux qui se disputaient sa confiance, il a fait de sa cour, pour me servir d’une expression populaire, mais vraie, la cour du roi Petaud.

Je ne suivrai point ce prince dans ses malheurs, qui sont étrangers à mon sujet ; d’ailleurs, son infortune pourrait me faire oublier les dures vérités que j’aurais à en dire, vérités qui appartiennent à l’histoire impartiale. Je ne parle que de sa vie à Versailles, où sa conduite fut d’abord des plus obscures. Éloigné des affaires, entièrement subjugué par madame de Balbi, il passait sa vie dans un joli jardin et une charmante maison qu’il avait près de la pièce d’eau des Suisses, à l’entrée du bois de Satory. Rarement accompagnait-il le roi à la chasse ; mais il était très-exact aux grandes cérémonies.

Madame de Balbi régnait plutôt sur son esprit que sur ses sens. Elle n’était pas assez belle pour le captiver sans user de l’ascendant d’une femme intrigante sur un homme faible. Pour dessiller les yeux de Monsieur, il n’a fallu rien moins que l’inconduite avérée de madame de Balbi en Allemagne et à Londres.

La Révolution mit dans un plus grand jour l’esprit incertain de ce prince. Son manque de vigueur et de