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SOUVENIRS D’UN PAGE.

elle atteignit sa majorité, le 3 mai 1789, fut le commencement de nos malheurs. Le voisinage de la salle des États généraux attirait la foule dans l’avenue de Paris ; des groupes de factieux l’obstruaient continuellement. Jamais on n’avait la certitude que la nuit serait calme. Aussi la princesse fut-elle obligée de renoncer à une distraction qu’elle attendait depuis si longtemps, et jamais elle n’a couché dans sa maison.

Aujourd’hui cette habitation est démolie ; quelques anciens serviteurs en montrent encore l’emplacement et les débris au voyageur curieux. Mais bientôt le souvenir lui-même passera comme l’édifice et comme la génération qui l’a vu s’élever ; il ne restera que la mémoire des vertus qui ne s’efface jamais. L’histoire consacrera les malheurs de l’infortunée propriétaire, et les chaumières d’alentour conserveront, d’âge en âge, la tradition de sa bienfaisance.

L’attachement de madame Élisabeth pour Louis XVI se développa avec plus d’énergie au moment de la Révolution. Non-seulement elle voulut consoler son malheureux frère ; elle voulut encore partager ses dangers. Vainement Mesdames, en partant pour l’Italie, voulurent l’emmener avec elles ; elle résista à leurs instances et renonça à un voyage qui devait plaire à sa piété, pour ne pas quitter le roi.

L’histoire mettra au nombre des plus beaux traits d’héroïsme le dévouement dont elle fit preuve le 21 juin 1792, alors que, après avoir voulu se faire