univers, forgé par un idéalisme absolu, n’admettait d’autres moyens et d’autres buts que le papier, les chiffres, les combinaisons, les épures. Il y passait tout le temps qu’il pouvait dérober aux rendez-vous oiseux, à la Bourse et aux voyages. C’est là qu’il avait créé sa mine d’alcool.
— Assied-toi, dit-il à Jacques, lorsqu’il fut seul avec lui. Je suis très occupé, j’ai une lettre à écrire et onze à recopier au copie de lettres. Tu n’as qu’à nie parler, je t’écoute, tout en travaillant.
— Papa, dit Jacques, dédaignant avec courage tous subterfuges et tous détours, papa, j’ai besoin d’argent. M. de Meillan releva la tête. Il ne comprenait pas.
— Tu dis ? interrogea-t-il, doutant de ses oreilles.
— Je dis que j’ai besoin d’argent.
— Tu as besoin d’argent ! tu as besoin d’argent ? je t’en ai-donné mercredi dernier…
— C’est exact. Tu m’as offert vingt sous en regrettant que ce ne fût pas un louis, et depuis il m’a fallu faire faire du thé à mes amis, et ça m’a coûté dix-sept sous.
— Eh bien ! mais, je ne t’ai pas dit de faire du thé pour tes amis… Tu as le droit de gaspiller ton argent comme tu le veux, mais il ne faut pas te plaindre d’en manquer.
— Est-ce que tu te moqués de moi ?
— Mon enfant, sache que je ne me moque du monde qu’à la dernière extrémité… Je suis sérieux… Ma vie est là pour le prouver.
— Sérieux ?… Tu es le même homme qui parlait hier de millions, d’usines, de châteaux, de luxe ?
— J’en ai parlé pour l’avenir… Demain et aujourd’hui sont étrangement différents, mon cher petit…
— Bref, tu ne veux rien me donner ?
— Mais, sapristi, que te faut-il de plus ? Tu as tout ici à