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parvinrent à détruire ou à chasser les Goths, dont il ne resta parmi eux que quelques misérables, fort peu à redouter. Ces misérables, d’après l’auteur, furent les premiers Agotes, et il assure que telle est la tradition constante du Béarn et de la Basse-Navarre. Voici ce que dit Martin de Vizcay de la manière dont on traitait de son temps les Agotes : « Il ne leur est point permis de se mêler aux populations ; ils habitent de pauvres huttes séparées des autres maisons ; on les regarde comme des pestiférés. Ils ne sont point admis aux emplois publics ; il ne leur est jamais permis de s’asseoir à la même table que les naturels du pays. Boire dans un verre que leurs lèvres auraient touché, serait comme boire du poison. À l’église, ils ne peuvent entrer plus avant que le bénitier. Ils ne vont point à l’offrande, près de l’autel, ainsi que cela se pratique pour les fidèles ; mais après l’offertoire, le prêtre se rend à la porte de l’église où ils se tiennent, et c’est là qu’ils font leur offrande. On ne leur donne point la paix à la messe ; ou, si l’on la leur donne, c’est avec un porte-paix différent, ou avec le revers du porte-paix ordinaire. S’allier à eux par des mariages, ce serait se rendre infâme, et il n’y a pas eu jusqu’ici d’exemple de pareille union. Je me souviens, ajoute D. Martin, que dans mon enfance on leur défendit toute espèce d’armes, à l’exception d’un couteau sans pointe ; comme si l’on avait pu craindre qu’ils ne voulussent de nouveau se rendre maîtres du pays. La fureur et la rage contre ces pauvres gens sont arrivées à un tel point, qu’on leur attribue des défauts naturels qu’évidemment ils n’ont pas : on prétend, par exemple, que tous ont une haleine empestée, qu’ils n’éprouvent pas le besoin de se moucher, qu’ils sont sujets à un flux de sang et de semence continuel, qu’ils naissent avec une longue queue, et autres choses aussi palpablement fausses et absurdes, mais qui ne