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Page:Francisque-Michel - Histoire des races maudites, tome I.djvu/49

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des montagnes ; loin de considérer, à l’exemple de ce savant, les Cagots comme des esclaves, il assure que, « d’après la Coutume, libres, ceux-ci avoient même la faculté d’acquérir des terres nobles, comme plusieurs d’entr’eux en ont aujourd’hui. » Enfin il termine de cette manière, p. 385 : « Né dans le Béarn[1], j’y ai connu cent Cagots ; mais nul d’entr’eux n’avoit ni goitres, ni la jaunisse. J’y ai au contraire observé des hommes bien faits, vigoureux ; et surtout des femmes, qu’on eût mis au nombre des plus belles, s’il eût été question d’objets de comparaison. Plusieurs de ces Cagots y sont charpentiers, tourneurs, menuisiers ; mais le plus grand nombre n’est ni l’un ni l’autre. J’en ai connu, non-seulement mariant sans difficulté leurs enfans à des non-Cagots ; mais même avec des Nobles, et des Militaires, décorés de l’honorable Croix de St. Louis. Le Parlement de Pau en avoit, dit-on, n’aguères un parmi ses principaux Membres : la fortune, sur-tout, fait disparoitre les préjugés. Les talens agréables, les sciences, le calcul ne leur sont point étrangers. Navarreins, par exemple, a vu les Campagnet se transmettre, depuis trois ou quatre générations, un violon très-recherché. J’ai vu le temps où il n’y avoit point de bonne fête, si le violon ou la flûte des Campagnet n’en étoient pas. Ils ont également eu leurs Poëtes et leurs Chansons ; témoin celle qui commence par ces vers, marqués au coin de la plus gaie et de la plus sage philosophie :

Encouere qué Cagots siam,
Nou non dam ;
Touts ém hils deou paï Adam,

Quoique nous soyons Cagots,
Peu nous importent des mots :
Nous sommes tous fils d’Adam.

« Pour couronner enfin leur apologie, disons que si j’étois,

  1. À Navarrenx. Voyez les Aventures de messire Anselme, t. 1, p. 365.