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Page:Francisque-Michel - Histoire des races maudites, tome II.djvu/24

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elle ne l’est pas davantage, on retrouve culvert dans un sens injurieux :

Ahi ! culvert, malvais hom de put aire…
(Pag. 30, coupl. lix, v. 3.)

Ultre, culvert, Carles n’est mie fol !
(Pag. 47, coupl. xci, v. 20.)

De vos manaces, culvert, jo n’ai essoign.
(Pag. 48, coupl. xcii, v. 20[1].)

Ce mot eut également cours, avec le même sens, dans le midi de la France, à une époque aussi reculée : on le lit, en effet, dans le Roman de Gérard de Roussillon, qui n’est pas postérieur au XIIe siècle :

Li culvert e ’lh malvat e ’lh bauzador[2].

On le rencontre aussi dans les œuvres de plusieurs troubadours postérieurs à l’auteur dont nous venons de citer l’ouvrage, entre autres dans l’une des pièces de Tomiers :

L’evesque culvert
Non o preson gaire,
S’el sainz vas se pert[3].

Il est donc bien évident que cuvert n’est rien autre que le mot collibertus transporté dans notre langue ; on ne saurait

  1. Voyez aussi pag. 55, coupl. cvi ; pag. 89, coupl. clxvii ; pag. 133, coupl. ccli.
  2. Lexique roman de M. Raynouard, tome Ier, p. 529, col. 2.
  3. Tomiers : De chantar, cité par M. Raynouard sous le mot culvert de son Lexique, à la suite duquel il rapporte le substantif Culvertia, en l’accompagnant d’un exemple tiré du Roman de Fierabras, v. 789.

    Voici un autre exemple, sur mille que nous pourrions citer, qui prouve que ce dernier mot n’existait point exclusivement au midi de la Loire :

    Onc més si bon vilain ne vi ;
    Vo seneschal a bien servi,
    Rendu li a sa cuvertise.

    Le Dit du Buffet, v. 237. (Fabliaux et Contes, édit, de Méon, tom. iii, pag. 271.)

    La langue d’oïl possédait également le mot cuvertage au figuré, c’est-à-dire avec un sens injurieux ; c’est ainsi que Guillaume de Lorris l’emploie dans les vers suivants :

    Enz ou milieu je vi Haïne