Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1845, T2.djvu/14

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6 DANIEL. pijiL humain , du moins le génie de Descartes et m^me son caractere y bont-ils rcspecles en apparence ; du moins , n’a-t-on pas eu la folie de dissimuler l’immense influence que ce philosophe a exercée sur son siècle. S’appuyant sur ce principe cartesien que l'essence de l’âme consiste tout entière dans la pensee, et que la vie et les mouvements du corps sont regis exclusivement par des lois mécaniques, l'auteur suppose que Descartes n’est pas mort; mais qu’ayant eu coutume de se servir de son corps ii peu pres comme on fait de sa maison, d’en sortir et d y rentrer a volonte , de le laisscr sur la terre plein de vie , tandis qu’il se promenait, pur esprit, dans les regions les plus elevees de I’univers, il lui arriva un accident seniblable a celui que la tradition raconte d’Hermotime de Clazoniene. L’n jour que cette separation se prolongeail au dela du terme ordinaire, le medccin suedois attache a la personne de Descartes , ne trouvant a la place du philosophe quun corps sans Ame, c’est-a-dire sans raison, le crut atteint de delire, et voulant le rendre a la sante, le tua. L’ame, a son retour, se voyant privee de son asile ici- bas, alia fixer sa dcmeure dans le troisieme ciel, c’est-a-dire, selon le plan de la cosmologie cartesienne, dans cet espace infini qui s’etend au dela des étoiles fixes. C'est dans cette region solitaire, où, pour ainsi dire, la puissance divine elle-nienie" n’a pas encore penetr^ , quelle travaille a la construction d'un monde selon les principes de la philosophie nouvelle, et qu’elle continue ses relations avec quelques disciples d’élite instruits comme elle a se separor de leurs corps sans mourir. Deux de ses disciples, dont l'un est le P. Mersenne, ont conduit notre voyageur pres de leur maitre, dans ce mondc encore ignore qui va s’cchapper de ses mains; et, a peine revenu sur la terre, il a soin de nous raconter tout ce qu’il a vu et entendu.

Dans ce recit ou Fesprit ct limagination ne manquent pas, quoique employes d’une maniere un peu frivole, se trouve encadrce la discussion, plus ou moins scrieuse, de tous les principes importants et de toutes les parties du sysleme philosophique de Descartes. Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, il n’en est point de plus mallraitee que la metaphysique et les regles generales de la methode ; car c'est la précisément que l’esprit d’indépendance et de libre examen, c’est-a-dire le principe meme de toule philosophie, se montre en quelque I’agon dans son centre, applique aux questions les plus élevées et avec une enticre conscience de lui-meme. Les Meditations metapln/sicpics, et tous les ecrits qui s’y rattachent, sont, a ce que nous assure le P. Daniel , le plus mechant , le plus inutile des ouvrages de Descartes. Quant aux raisons qu’il en donne, comme dies ne sont que la reproducliiiu des objecliuns d’Arnauld, de Gassendi, du P. Mersenne, et de beaucoup d’autres, nous n’avons pas a nous en occuper. Il veut bien admettre que dans le Discours de méthode il y ait quelques maximes vraiment sages et utiles ; mais, en revanche, il ne trouve rien d'aussi dangereux que la separation enticre et I inch’-pcndance mutuelle de la philosophie et de la theologie. II veut , au eontraire, quoi que disent les disciijles de Descartes, (jue I’autorite religieuse ait sur la philosophie la haute surveillance , afin quils n’avancent rien qui puisse blesser meme indirectement le dogme révele {Voi/ufjc du monde de Descartes. Ire partie, p. 2TIJ . Accordez-lui ce seul point, le droit de surveillance, non-seulement sur les