Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/78

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sont réalisées ; de même toutes les conditions élnnt connues et observées, il n’est pas douteux

3ue le fait se produise : suivre l’une ou l’autre e ces voies c’est toujours se fier à l’induction. Ma s il est impossible de s’autoriser de la présence de quelques-unes des conditions, toutes néces­saires qu’elles soient, pour en conclure l’existence d’un fait que l’on ne perçoit pas : ce fait est alors indéterminé. Si la science parvient un jour à trouver un ensemble de faits physiques qui dé­terminent la vie^ partout où ces faits seront vé­rifiés on devra, a moins qu’il n’y en ait d’autres qui excluent la vie, conclure qu’elle existe, en­core que l’on ne puisse s’en assurer par la per­ception. Jusque-là, il faut s’en tenir à la simple conjecture. L’analogie n’est donc en rien distincte de l’induction. Constater des ressemblances ce n’est pas raisonner, et c’est le préliminaire indis­pensable de l’induction, aussi bien que de l’ana— iogie ; conclure l’identité des faits de l’identité de leurs conditions, c’est encore l’acte propre de l’induction ; présumer que certains faits sont la condition des autres, c’est une conception qui précède et motive la recherche, ce n’est pas la conclusion d’un raisonnement ; c’est un des mo­ments du travail inductif ; c’est celui que les lo­giciens ont désigné sous ce terme, d’ailleurs si mal défini, d’Analogie. Il n’y a, malgré ces deux noms, aucune différence de nature entre les deux procédés. Affirmer que le fer et les autres mé­taux fondent et se volatilisent dans le soleil à la même température qu’à la surface de la terre, c’est généraliser un rapport constaté ; conjecturer que Mars est habité, c’est généraliser un rapport supposé ; le doute ne provient pas de l’extension de la loi, mais de son caractère : si dans le pre­mier cas on raisonne par induction, et dans le second par analogie, la différence ne provient pas ; pour parler comme les logiciens, de la forme, mais de la matière : les deux procédés sont iden­tiques ; mais le travail préliminaire, celui de l’expérience, est achevé d’un côté, plus ou moins ébauché de l’autre, et le plus souvent intermi­nable.

Ainsi s’expliquent l’obscurité et l’incertitude des théories d’ailleurs très-sommaires de l’ana­logie, et les efforts malheureux qu’on a faits pour la distinguer de l’induction. Kant et ses imita­teurs Esser et Krug ont beaucoup contribué à donner du crédit à cette superfétation de la lo­gique. Suivant eux, l’induction étend à toutes les choses d’un même genre les propriétés qui con­viennent à plusieurs ; l’analogie conclut de la ressemblance particulière de deux choses à leur ressemblance totale : l’une va de la pluralité à l’unité, et l’autre de l’un au multiple ; « par l’une, dit Kant, on étend les données empiriques du particulier au général par rapport à plusieurs ob­jets ; par l’autre on étend les qualités données d’une chose à un plus grand nombre de qualités de la même chose. » Mais Kant n’a pas une idée très-exa.te de l’induction, et de plus on ne voit pas quelle différen e il y a entre attribuer une propriété à une chose de même espèce que celle où on l’a reconnue, et conclure qu’une qualité appartenant à la seconde appartient aussi à la pre­mière. Les espèces sont fondées sur des ressem­blances ; dire que deux choses de même espèce sont semblables, ou réciproquement que deux choses semblables sont de même espèce, c est énon­cer le même principe, qui n’est du reste pas ce­lui de l’induction.

Consulter sur l’analogie : Aristote, Topiques, liv. I, ch. \\n ; Derniers analytiques, liv. II, ch. xiv. Kant, Logique, ch. m, sect. III. Reid, Essais sur les facultés intellectuelles, essai I, ch. m. Esser Logik, 140, 152. Krug Logik, § 156. Hamilton,

Lectures on logic, t. II, p. 166. Cournot, Essat sur les fondements de nos connaissances/ t. I, ch. IV. Stuart Mill, Système de Logique, liv. IV, ch. xx. Condillac, Art de raisonner, ch. m.

ANALYSE ET SYNTHÈSE. L’analyse et la synthèse sont les deux procédés fondamentaux de toute méthode ; elles résultent de la nature de l’esprit humain, et sont une loi de son dé­veloppement. L’intelligence humaine aperçoit d’abord confusément les objets ; pour s’en faire une notion précise, elle est obligée de concentrer su cessivement son attention sur chacun d’eux en parti ulier, ensuite de les décomposer dans leurs parties et leurs propriétés. Ce travail de décomposition s’appelle analyse. L’opération in­verse, qui consiste à saisir le rapport des parties entre elles et à recomposer l’objet total, porte le nom de synthèse. Décomposition, recomposition, analyse, synthèse, tels sont les deux procédés qui se rencontrent dans tout travail complet de l’intelligence, dans tout développement régulier de la pensee, dans la formation de toute science.

Mais s’il est facile de les définir dans leur gé­néralité, il l’est beau oup moins de les suivre dans leurs applications, de les distinguer et de les reconnaître dans les opérations plus ou moins compliquées de l’intelligence humaine et les procèdes de la science. Il est peu de questions qui aient été plus embrouillées et sur lesquelles les philosophes se soient moins entendus. Ce que les uns appellent analyse, les autres le nomment synthèse, et réciproquement. Le mal vient d’abord de ce que l’on n’a pas établi une dis­tinction entre nos diverses espèces de connais­sances, et ensuite de ce que les deux procédés analytique et synthétique se trouvent réellement réunis dans tout travail de l’intelligence un peu compliqué et de quelque étendue. Pour nous préserver d’une pareille confusion, nous éta­blirons d’abord en principe que toute opération intellectuelle qui, considérée dans son ensemble, offre comme procédé principal la décomposition d’une idée ou d’un objet dans ses éléments, doit prendre le nom d’analyse, et que celui de syn­thèse doit s’appliquer a toute opération de l’es­prit dont le but essentiel est de combiner des éléments, de saisir des rapports, de former un tout ou un ensemble. Ce principe admis, nous distinguerons plusieurs espèces de connaissances, celles dont nous sommes redevables à l’obser­vation et celles que nous obtenons par le raison­nement ; deux méthodes correspondantes, et par conséquent aussi deux sortes d’analyse et de synthèse, l’analyse et la synthèse expérimentales et l’analyse et la synthèse logiques.

Examinons d’abord en quoi consistent et l’ana­lyse et la synthèse dans la première de ces deux méthodes et dans les sciences d’observation Lorsque nous voulons connaître un objet réel appartenant soit à la nature physique, soit au monde moral, nous sommes obligés de le consi­dérer successivement dans toutes ses parties, et d’étudier celles-ci séparément ; ce travail ter­miné, nous cherchons a réunir tous ces éléments, à saisir leurs rapports, afin de reconstituer l’ob— iet total. De ces deux opérations la première est l’analyse, et la seconde la synthèse. Il est évident qu’elles sont l’une et l’autre également néces­saires, et qu’elles se tiennent étroitement ; mais elles n’en constituent pas moins deux procédés essentiellement dislin ts, et dont l’un est inverse de l’autre. Condillac a cependant prétendu que la méthode était tout entière dans l’analyse, qui, selon lui. comprend la synthèse. Il est, dit-il, impossible d’observer les parties d’un tout sans remarquer leurs rapports ; d’ailleurs, si vous n’observez pas les rapports en même temps que les