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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/81

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raisonnement consiste à découvrir un passage de l’un à Pautre ; et, quelque route que l’on ait prise, si l’on est arrivé du point de départ au terme de son voyage, le passage aura été décou­vert et l’on aura bien raisonné. » [Des Signes et de l’Art de penser dans leurs rapports, t. IV, th. vi. p. 189.) On ne doit pas oublier, ainsi que le fait remarquer le même auteur, que dans chacune des deux méthodes, il entre à la fois de l’analyse et de la synthèse, pour peu surtout que le raisonnement soit compliqué et d’une certaine étendue ; mais on doit considérer l’en­semble des opérations qui constituent le raison­nement total, et donnent à la démonstration son caractère général.

Quels sont les avantages respectifs de ces deux méthodes, quel emploi faut-il en faire, et dans quei cas est-il bon d’appliquer l’une de préfé­rence à l’autre ? La réponse ne peut être absolue, cela dépend de la nature des questions que l’on traite et de la position dans laquelle se trouve l’esprit par rapport à elles. La méthode analy­tique qui se renferme dans l’énoncé du problème, a l’avantage de ne pouvoir s’en écarter, et de ne pas se perdre en raisonnements inutiles : comme procédé de découverte, elle est plus directe. La synthèse, sous ce rapport, est plus exposée à s’éloigner de la question, à tâtonner, à suivre des routes sans issue ou qui la conduisent à d’au­tres résultats que ceux qu’elle cherche. Sa mar­che est plus incertaine et plus aventureuse ; mais lorsqu’elle n’a pas d’autre but positif que celui de déduire d’un principe fécond les consé­quences qu’il renferme, elle arrive à découvrir des aperçus nouveaux et des solutions à une foule de questions imprévues qui naissent en quelque sorte sous ses pas. Quand elle poursuit une solution particulière, et qu’elle n’arrive pas à son but, elle rencontre souvent sur son chemin des réponses et des solutions à d’autres ques­tions. Ces deux méthodes sont toutes deux natu­relles ; néanmoins l’une, la synthèse, semble plus conforme à la marche même des choses, puis­qu’elle va des principes aux conséquences, des causes aux effets : c’est la méthode démonstra­tive par excellence. Quand la vérité est trouvée, et qu’il ne s’agit que de la démontrer ou de la transmettre, le rapport entre le point de départ et le but étant connu, sa marche est sûre et directe, et cette voie est plus courte que celle de l’analyse ; aussi est-ce la méthode que l’on emploie surtout dans l’enseignement, ce qui ne veut pas dire que l’analyse n’y ait pas une place importante. D’ailleurs les deux méthodes, loin de s’exclure, se prêtent un mutuel appui ; elles se servent l’une à l’autre de vérification et de preuve.

Il n’existe point et il ne peut guère exister de traités spéciaux sur l’analyse ni sur la synthèse ; l’étude de ces deux méthodes est une partie es­sentielle de la logique ; nous renvoyons, par conséquent, à tous les ouvrages qui traitent de cette science, principalement aux ouvrages mo­dernes. Nous citerons particulièrement la Logi­que de Port-Royal, 4epartie : 1 Optique de New­ton, liv. III, quest. 21 ; le L)iscours de J. J. W. Herschellsur l’étude de la philosophie ; l’Æ’ssai’de M. Cournot sur les fondements de nos connais­sances, Paris, 1851, 2 vol. in-8.Ch. B.

ANALYTIQUE, voy. Analyse, JUGEMENT, MÉ­THODE.

ANALYTIQUES (τα Αναλυτικά). Tel est le

titre qu’on a donné au temps de Galien, c’est-à— dire dans le ne siècle de l’ère chrétienne, et qui, depuis, a été généralement consacré à une partie de l’Organum ou de la logique d’Aristote. Cette partie de l’Organum est formée de deux traités parfaitement distincts, dont l’un, portant le nom de Premiers Analytiques, enseigne l’art de ré­duire le syllogisme dans ses diverses figures et dans ses éléments les plus simples ; l’autre, appelé les Derniers Analytiques, donne les rè­gles et les conditions de la démonstration en gé­néral. A l’imitation de ce titre, Kant a donné le nom à’Analytique transcendentale à cette partie de la Critique de la raison pure qui décompose la faculté de connaître dans ses éléments les plus irréductibles.

ANAXAGORE. Il naquit à Clazomène, dans la Lxxe olympiade, quelques années avant Empédo— cle, qui cependant le devança par sa réputation et ses travaux (Aristote, Métaphysique, liv. I, ch. m). Doué de tous les avantages de la naissance et de la fortune, il abandonna, par amour pour l’é­tude, et son patrimoine et son pays natal, dont les affaires ne lui inspiraient pas plus d’intérêt que les siennes. Il avait vingt-cinq ans quand il se rendit à Athènes, alors le centre de la civi­lisation et, l’on pourrait dire ? de la nationalité grecque. Admis dans l’intimité de Périclès, il exerça sur ce grand homme une très-haute et très-noble influence, et cette position, au sein d’une démocratie jalouse, fut probablement la vraie cause des persécutions qu’il endura sous le prétexte de ses opinions religieuses. Cette con­jecture ne paraîtra pas dénuee de fondement, si l’on songe qu’à l’accusation d’impiété dirigée contre Anaxagore, se joignait celle d’un crime politique, le plus grand qu’on pût imaginer alors : on le soupçonnait de médisme, c’est-à-dire de favoriser contre sa patrie les intérêts du roi de Perse. Sauvé de la mort par Périclès, mais exilé d’Athènes qu’il habitait depuis trente ans, il alla passer le reste de ses jours à Lampsaque, où il mourut à l’âge de soixante-douze ans, entouré de respect et d’honneurs.

Anaxagore n’est pas seulement Ionien par le lieu de sa naissance, il l’est aussi par ses maîtres. Cicéron, Strabon, Diogène Laërce, Simplicius, s’accordent à dire qu’il entendit les leçons d’A— naximène ; et. quoi qu’en dise Ritter, nous som­mes obligés d’accepter ce témoignage qu’aucune voix dans l’antiquité n’a démenti. Mais c’est principalement par la direction de ses études et le caractère général de sa doctrine, qu’Anaxagore appartient à l’école ionienne ; car, même lors­qu’il s’élève jusqu’à l’idée d’un principe spirituel, il a toujours pour but l’explication et l’intelli­gence du monde sensible. Aussi l’a-t-on appelé le physicien par excellence (ό φυσινώτιτο ; ), et ce n’est véritablement que par dérision qu’il a été surnommé Vesprit (ό νοϋς) ; à peu près comme Descartes l’a été par Gassendi. Cette prédilection d’Anaxagore pour le monde extérieur nous ex­plique la deception que Platon éprouva à la lecture de ses ouvrages, et les reproches fort injustes qu’il lui adresse par la bouche de Socrate. Cependant il ne faut pas croire que le philosophe de Clazomène soit demeuré étranger à des études d’un autre ordre : nous savons, par le témoignage de Favorinus, que le premier il tenta d’expli­quer les poèmes d’Homère dans un sens allégo­rique, au profit de la saine morale. Il savait re­vêtir sa pensée d’une forme aussi noble qu a— gréable, et ne devait pas être étranger aux ques­tions politiques ; car Plutarque nous assure qu’il enseigna à Périclès l’art de gouverner la multi­tude avec fermeté. Enfin, selon Platon, il s’est aussi beaucoup occupé de la nature et des lois de l’intelligence ; mais aujourd’hui il ne nous reste d’Anaxagore que des fragments relatifs à la théorie de la nature.

Il admettait avec toute l’antiquité ce principe : que rien n’est produit, que rien ne peut s’anéan­tir