Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/414

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la plus commode et celle qui cadre le mieux avec le principe de plaisir ; il est en effet incontestable qu’elle épargne au moi un travail intérieur dur et pénible. Il y a des cas où le médecin lui-même est obligé de convenir que la névrose constitue la solution la plus inoffensive et, au point de vue social, la plus avantageuse, d’un conflit. Ne soyez pas étonnés si l’on vous dit que le médecin lui-même prend parfois parti pour la maladie qu’il combat. Il ne lui convient pas de restreindre dans toutes les situations son rôle à celui d’un fanatique de la santé, il sait qu’il y a au monde d’autres misères que la misère névrotique, qu’il y a d’autres souffrances, peut-être plus réelles encore et plus rebelles ; que la nécessité peut obliger un homme à sacrifier sa santé, parce que ce sacrifice d’un seul peut prévenir un immense malheur dont souffriraient beaucoup d’autres. Si donc on a pu dire que le névrosé, pour se soustraire à un conflit, se réfugie dans la maladie, il faut convenir que dans certains cas cette fuite est justifiée, et le médecin, qui s’est rendu compte de la situation, doit alors se retirer, sans rien dire et avec tous les ménagements possibles.

Mais faisons abstraction de ces cas exceptionnels. Dans les cas ordinaires, le fait de se réfugier dans la névrose procure au moi un certain avantage d’ordre interne et de nature morbide, auquel vient s’ajouter, dans certaines situations, un avantage extérieur évident, mais dont la valeur réelle peut varier d’un cas à l’autre. Prenons l’exemple le plus fréquent de ce genre. Une femme, brutalement traitée et exploitée sans ménagements par son mari, trouve à peu près régulièrement un refuge dans la névrose lorsqu’elle y est aidée par ses dispositions, lorsqu’elle est trop lâche ou trop honnête pour entretenir un commerce secret avec un autre homme, lorsqu’elle n’est pas assez forte pour braver toutes les conventions extérieures et se séparer de son mari, lorsqu’elle n’a pas l’intention de se ménager et de chercher un meilleur mari et lorsque, par-dessus tout cela, son instinct sexuel la pousse, malgré tout, vers cet homme brutal. Sa maladie devient pour elle une arme dans la lutte contre cet homme dont la force l’écrase, une arme dont elle peut se servir pour sa défense et dont elle peut abuser en vue de la vengeance. Il lui est permis de se