Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/426

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tandis qu’il lui annonce à lui l’approche d’un cyclone.

En y réfléchissant de plus près, on est obligé de se dire que le jugement d’après lequel l’angoisse actuelle serait rationnelle et adaptée à un but appelle une révision. La seule attitude rationnelle, en présence d’une menace de danger, consisterait à comparer ses propres forces à la gravité de la menace et à décider ensuite si c’est la fuite ou la défense, ou même, éventuellement, l’attaque qui est le moyen le plus efficace d’échapper au danger. Mais dans cette attitude il n’y a pas place pour l’angoisse ; tout ce qui arrive arriverait tout aussi bien, et probablement même mieux, si l’angoisse ne s’en mêlait pas. Vous voyez aussi que, lorsque l’angoisse devient par trop intense, elle constitue un obstacle qui paralyse l’action et même la fuite. Le plus généralement, la réaction à un danger est une combinaison dans laquelle entrent le sentiment d’angoisse et l’action de défense. L’animal effrayé éprouve de l’angoisse et fuit, mais seule la fuite est rationnelle, tandis que l’angoisse ne répond à aucun but.

On est donc tenté d’affirmer que l’angoisse n’est jamais rationnelle. Mais nous nous ferons peut-être une idée plus exacte de l’angoisse en analysant de plus près la situation qu’elle crée. Nous trouvons tout d’abord que le sujet est préparé au danger, ce qui se manifeste par une exaltation de l’attention sensorielle et de la tension motrice. Cet état d’attente et de préparation est incontestablement un état favorable, sans lequel le sujet se trouverait exposé à des conséquences graves. De cet état découlent, d’une part, l’action motrice : fuite d’abord et, à un degré supérieur, défense active ; d’autre part, ce que nous éprouvons comme un état d’angoisse. Plus le développement de l’angoisse est restreint, plus celle-ci n’apparaît que comme un appendice, un signal, et plus le processus qui consiste dans la transformation de l’état de préparation anxieuse en action, s’accomplit rapidement et rationnellement. C’est ainsi que, dans ce que nous appelons angoisse, l’état de préparation m’apparaît comme l’élément utile, tandis que le développement de l’angoisse me semble contraire au but.

Je laisse de côté la question de savoir si le langage courant désigne par les mots angoisse, peur, terreur, la