Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/446

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nous ne pourrons répondre à cette question que lorsque nous aurons établi les différences de comportement qui existent entre les tendances sexuelles, dans leurs manifestations corporelles et psychiques, et les autres tendances que nous leur opposons, et lorsque nous nous serons rendu compte de l’importance des conséquences qui découlent de ces différences. Nous n’avons naturellement aucune raison d’affirmer une différence de nature, d’ailleurs peu concevable, entre ces deux groupes de tendances. L’un et l’autre désignent des sources d’énergie de l’individu, et la question de savoir si ces deux groupes n’en forment au fond qu’un ou s’il existe entre eux une différence de nature et, s’ils n’en forment au fond qu’un, à quel moment ils se sont séparés l’un de l’autre, — cette question, disons-nous, peut et doit être discutée non d’après des notions abstraites, mais sur la base des faits fournis par la biologie. Sur ce point nos connaissances sont encore insuffisantes, et seraient-elles plus suffisantes nous n’aurions pas à nous occuper de cette question qui n’intéresse pas nos recherches analytiques.

Nous ne gagnons évidemment rien à insister, avec Jung, sur l’unité primordiale de tous les instincts et à donner le nom de « libido » à l’énergie se manifestant dans chacun d’eux. Comme il est impossible, à quelque artifice qu’on ait recours, d’éliminer de la vie psychique la fonction sexuelle, nous nous verrions obligés de parler d’une libido sexuelle et d’une libido asexuelle. C’est avec raison que le nom de libido reste exclusivement réservé aux tendances de la vie sexuelle, et c’est uniquement dans ce sens que nous l’avons toujours employé.

Je pense donc que la question de savoir jusqu’à quel point il convient de pousser la séparation entre tendances sexuelles et tendances découlant de l’instinct de conservation est sans grande importance pour la psychanalyse. Celle-ci n’a d’ailleurs aucune compétence pour résoudre cette question. Toutefois la biologie nous fournit certains indices permettant de supposer que cette séparation a une signification profonde. La sexualité est en effet la seule fonction de l’organisme vivant qui dépasse l’individu et assure son rattachement à l’espèce. Il est facile de se rendre compte que l’exercice de cette fonction, loin d’être toujours aussi utile à l’individu que l’exercice de ses