Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/477

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et surmonté toutes les difficultés de la confession. Et nous ajouterons pour notre part : c’est seulement soutenues par cet espoir qu’elles ont si facilement compris des choses auxquelles on croit en général difficilement. Un pareil aveu nous stupéfie et renverse tous nos calculs. Se peut-il que nous ayons laissé échapper le plus important article de notre compte ?

Plus en effet notre expérience s’amplifie, et moins nous pouvons nous opposer à cette correction si humiliante pour nos prétentions scientifiques. On pouvait croire au début que l’analyse se heurtait à un trouble provoqué par un événement accidentel n’ayant rien à voir avec le traitement proprement dit. Mais quand on voit ce tendre attachement du malade pour le médecin se reproduire régulièrement dans chaque cas nouveau, lorsqu’on le voit se manifester dans les conditions mêmes les plus défavorables et dans des cas où la disproportion entre le malade et le médecin touche au grotesque, de la part d’une femme déjà âgée à l’égard d’un médecin à barbe blanche, c’est-à-dire dans des cas où, d’après notre jugement, il ne peut être question d’attrait ou de force de séduction, alors on est bien obligé d’abandonner l’idée d’un hasard perturbateur et de reconnaître qu’il s’agit d’un phénomène qui présente les rapports les plus étroits avec la nature même de l’état morbide.

Ce fait nouveau, que nous reconnaissons ainsi comme à contrecœur, n’est autre que ce que nous appelons le transfert. Il s’agirait donc d’un transfert de sentiments sur la personne du médecin, car nous ne croyons pas que la situation créée par le traitement puisse justifier l’éclosion de ces sentiments. Nous soupçonnons plutôt que toute cette promptitude a une autre origine, qu’elle existait chez le malade à l’état latent et a subi le transfert sur la personne du médecin à l’occasion du traitement analytique. Le transfert peut se manifester soit comme une exigence amoureuse tumultueuse, soit sous des formes plus tempérées ; en présence d’un médecin âgé, la jeune patiente peut éprouver le désir, non de devenir sa maîtresse, mais d’être traitée par lui comme une fille préférée, sa tendance libidineuse peut se modérer et devenir une aspiration à une amitié inséparable, idéale, n’ayant rien de sensuel. Certaines femmes savent