Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome I, 1835.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[1339]
75
LIVRE I. — PARTIE I.



CHAPITRE LXXXII.


Comment le roi d’Angleterre se partit de Haspre et s’en vint mettre le siége devant Cambray ; et comment le duc de Brabant y vint.


Quand le roi d’Angleterre eut été deux jours à Haspre et que jà moult de ses gens étoient passés et venus à Nave et là environ, il s’en partit et s’envint devers Cambray, et se logea à Yvuis, et assiégea la cité de Cambray de tous points ; et toujours lui croissoient gens. Là lui vint le jeune comte de Hainaut à très grand arroy, et messire Jean de Hainaut son oncle ; et se logèrent assez près du roi ; après, le duc de Guerles et ses gens, le marquis de Juliers et sa route, le marquis de Brankebourch et ses gens, le marquis de Mise et d’Eurient, le comte de Mons, le comte de Saumes, le sire de Fauquemont, messire Arnoul de Blakehen, et ainsi tous les autres ; et toujours leur croissoient gens.

Au sixième jour que le roi anglois et tous ces seigneurs se furent logés devant Cambray, vint le duc de Brabant en l’ost, moult étoffément et en grand arroy ; et avoit bien neuf cents lances, sans les autres armures de fer, dont il y avoit grand’foison, et se logea devers Ostrevant sur l’Escaut ; et fit-on un pont sur la rivière pour aller de l’un ost à l’autre.

Lorsque le duc de Brabant fut venu, il envoya défier le roi de France qui se tenoit à Compiègne, de quoi messire Louis de Cranehen, qui toujours l’avoit excusé, en fut si confus qu’il en mourut de deuil, dont ce fut dommage pour ses amis. Ce siége durant devant Cambray, il y eut plusieurs assauts, escarmouches et paletis[1]. Et chevauchoient, par usage, messire Jean de Hainaut et le sire de Fauquemont ensemble, dont ils ardirent et foulèrent durement le pays de Cambrésis ; et vinrent ces seigneurs, à leurs routes où il avoit bien cinq cents lances et mille autres combattans, un jour, devant le châtel d’Oisy en Cambrésis, et y livrèrent un très grand assaut ; et si ne fussent les chevaliers et écuyers qui dedans étoient, ils l’eussent pris par force : mais si bien le défendirent ceux qui dedans étoient, de par le seigneur de Coucy, qu’ils n’y eurent point de dommage ; et retournèrent les dessusdits seigneurs et leurs routes en leurs logis.

    penduz verraiment, ils fusrent le pluis briefment vilaillez, par cause q’ilz entenderont que notre dit cosyn nous eust doné hastive bataille. Le lundi5 matin si viendrent lettres à mons. Hughe Tenene, de part le meistre d’Arblastiers de Fraunce, fesauntz mencion q’il voleit dire à roy d’Engleterre de part le roy de Fraunce q’il voilleit prendre place qu’elle ne fust afforcie par boys, mareis ne par eawe, et q’il lui dunroit bataille dedeinz le jeofdy6 proschein suaunt. Lendemain, pour feare tut jour la destruccion qe nous pouvioms, si remuasmes. Le meskerdy7 après vient une messagier al dit mons. Hughe et luy porta lettres del roy de Beaume et del duke de Lorreigne od lors seals pendantz, fesauntz mention de qe quaut qe le dit maistre des Arblastiers avoit envoiez de part le roy de Fraunce touchaunt la bataille, il tiendra convenaunt. Nous regardantz lez dite lettres meintenaunt, lendemain8 nous treiasmes vers Flemyngerye où nous demurasmes le vendredy tut la jour. Al vespre estoient prises trois espies, et furent examinez chescun par sei, et accordèrent toutz qe le dit Phelip nous dunroit bataille, le samadye, et q’il estoit à une leuke et demie de nous. Le samady9 nous esteiasmes ès champs bien un quarter devaunt le jour et preismes notre place en lieu covenable pour nous et luy à combattre. Bien matin fusrent prises de ses descoverours qe nous disoient que s’avaunt garde estoit avaunt ces champs de bataille et lès, en issant devers nous. Les novelx venuz à notre host covient qe nos alliés se porteront devant mult peisantement : devers nous seurement ilz estoient de si lene convie qe unqes gentz estoient de si bone volonté à combattre. En le mesme temps si estoient ascuns de noz descoverours, une chevalier d’Almaygne pris, q’avoit vieu tut notre array et le monstré en aventure à noz ennemys, issint meintenant q’il fist retrere s’avaunt garde et coumunda de loggier ; et fisrent fossés entour eaux, et coupèrent les groses arbres pour nous tollier la venue à eaux. Nous demurrasmes tut le jour enbataillez à piés tanqe devers le vespre q’il sembloit à noz Alliés qe nous avoms assetz demeorez ; et al vespre, si nous mauntasmes noz chivalx et alasmes pours d’Avenies à un lege et demie del dîst notre cosyn, et luy feismes savoir qe nous luy vorroioms attendre illeosqes tut la disraenge ; et ensi feismes. Et aultre novels ne envoyoms de luy, forsqe le samady, à l’heure quaunt nous mountasmes noz chivalx al départir de notre place, il quida qe nous eussioms venuz devers luy ; et tiel haste avoit-il pour prendre plus forte place que mil chevalers à une foitz fusrent enfoundrés en le mareis à son passage issint venist chescun sour aultre. La dismenge10 fust le sire de Faniels pris par nos gentz. Le lundy matin si avoms novels que le dit Sr Phelip et toutz ses Alliés fusrent desparpillés et retretz à graunt haste. Et sour ceo q’eut est oultre affeare si avoms une cousail ovesqe eaux à Andwerp lendemayn seint Martyn. Et d’illeosqes après vous… hastiment ceo qest entre fait. Doné soutz notre privé seal à Brissel le primer jour de novembre. »

    1 Le 20 septembre.

    2 Le 25 septembre.

    3 La ressemblance de ce nom avec celui de Marchiennes pourrait faire croire qu’il s’agit ici de ce lieu. Thoiras n’a pas balancé de dire que le 26 septembre Édouard était à Marchiennes entre Saint-Amand et Douay. Mais Marchiennes, situé sur la Scarpe, paraît être beaucoup trop éloigné de la route qu’Édouard dit lui-même avoir tenue : il est plus vraisemblable que ce prince veut parler de Markoin ou Marcoing, village distant de Cambray d’environ deux lieues du côté de l’Artois. Plusieurs pièces publiées par Rymer, datées du 26 septembre, apud villam de Markoin infra Marchiam Franciæ, changent cette conjecture en preuve.

    4 Le jour de saint Luc était cette année le lundi 18 octobre ; le samedi précédent était donc le 16.

    5 Jour de saint Luc, 18 octobre.

    6 21 octobre.

    7 20 octobre.

    8 Le jeudi 21.

    9 23 octobre.

    10 24 octobre.

  1. Combats, surtout ceux qui se donnaient aux palissades de villes.