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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

départit de Bruges avec ceux de Bruges, et se trouvèrent sur les champs plus de vingt huit mille hommes. Donc se mirent-ils au chemin pour venir vers Courtray et combattre les Gantois et lever le siége.

Quand Piètre du Bois et les Gantois entendirent que le comte venoit vers eux si efforcément, si n’eurent mie conseil de là plus tenir le siége ; et se départirent, et s’en allèrent loger à Douze et à Nieule, et dirent que là ils attendroient le comte, et signifièrent leur état à ceux de Gand, et remandèrent l’arrière ban pour être plus forts et plus de gens. Si se départirent encore de Gand bien quinze mille hommes, et s’en vinrent devers leurs gens à Nieule et à Douze, et se logèrent tous sur les champs en attendant le comte. Quand le comte fut venu à Harlebecque de-lez Courtray, il entendit que les Gantois étoient partis de là et retraits vers Gand, et logés à Douze et à Nieule ; si n’eut mie conseil le comte adonc du poursuir ; et donna congé à ses gens d’armes et à ses communes, et en laissa une grand’quantité à Courtray, et renvoya le seigneur d’Enghien et les Hainuiers et son fils bâtard le Hazle en Audenarde en garnison. Quand les Gantois et Piètre du Bois virent que le comte ne venoit pas vers eux, si se départirent de Douze et de Nieule, et prirent le long chemin par devers Audenarde, pour venir par là à Gand. Si envoyèrent, ce jour que ils passèrent vers Audenarde, une quantité de leurs gens, desquels Arnoux Clerc étoit capitaine, et s’en vinrent ceux escarmoucher jusques aux bailles de la ville. Les chevaliers et écuyers qui là dedans étoient ne se purent abstenir que ils ne vinssent escarmoucher à eux, et y en eut des morts et des blessés de part et d’autre. À cette fois ceux de Gand ne conquirent point planté à l’escarmouche ; et s’en partirent et retournèrent avec leurs gens à Gand ; et se retrait chacun en son hôtel.

Trois jours après fut ordonné Arnoux Clerc à venir à Gavres atout douze cents des blancs chaperons, et lui fut le châtel et la châtellerie de Gavres baillée, par manière de garnison, pour faire frontière à ceux d’Audenarde. Si y vint Arnoux Clerc à toute sa route et se tint là, mais guères ne fut-ce mie, quand il entendit que aucuns chevaliers et écuyers qui étoient en Audenarde étoient issus hors à l’aventure. Adonc se départit-il de Gavres avec ses gens ; et étoient bien en nombre quinze cents ; si se mirent en embûche sur ceux qui au matin étoient issus hors d’Audenarde : le sire d’Escornay, le sire de Ramseflies, messire Jean Villain, le sire de Lieureghien, le Galois de Mamines, le bâtard d’Escornay, messire Blanchart de Callenne et plusieurs auttes. Ainsi que ces chevaliers et écuyers qui avoient pris leur retour revenoient en Audenarde, Arnoux Clerc et l’embûche leur saillit au devant ; là en y eut des rués jus et des r’atteints et des occis ; car ils ne prenoient nullui à merci. Là vinrent aux chevaliers et aux écuyers leurs chevaux bien à point ; car ils brochèrent des éperons et retournèrent vers Audenarde ; et ainsi que ils venoient devant les bailles, ils défendoient et se mettoient à défense et attendoient leurs gens et leurs varlets. Mais ils ne porent oncques si nettement rentrer en la ville que il n’en y eût de morts, de blessés, de navrés plus de soixante. Et quand ils eurent fait leur empainte, Arnoux Clerc retourna ce soir en une abbaye près de là, que on nomme Exain ; si trouvèrent ces Gantois en la ville de Exain ; Piètre d’Estunehus et le Gallois de Mamines et environ cent compagnons de leur route. Si assaillirent l’abbaye où ils étoient traits. À grand’peine se sauva le Gallois de Mamines ; et se partit par derrière et entra en un batel, et s’en vint par nuit en Audenarde, et conta au seigneur d’Enghien, au seigneur de Montigny et à messire Daniel de Hallevin et aux chevaliers qui là étoient, comment ce soir Arnoux Clerc et les blancs chaperons étoient entrés en l’abbaye de Exain et avoient occis leurs compagnons. Et bien pensoit que Pierre d’Estunehus mort, et voirement le fut-il ; car Arnoux Clerc et ses gens le firent saillir par une fenêtre en-my la place, et le recueillirent à glaives et l’occirent ; dont ce fut grand dommage.


CHAPITRE XCIX.


Comment le seigneur d’Enghien, le bâtard de Flandre, messire Daniel de Hallevin et leur routes déconfirent Arnoux Clerc et sa sieute en l’abbaye de Exain.


Quand les chevaliers et écuyers qui en Audenarde se tenoient entendirent que Arnoux Clerc et les blancs chaperons, environ quinze cents que il avoit adonc de sa charge, étoient arrêtés à Exain, et avoient morts leurs compagnons et