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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/303

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LIVRE II.

ports d’Escosse, pour les pourvéances qui les suivoient par mer.

En ce temps vinrent ces dessus dits ambassadeurs de France en Angleterre et furent devers le roi et ses oncles, qui leur firent très bonne chère et se dissimulèrent à ce premier un petit envers eux, pour la cause de leurs gens qui faisoient guerre aux Escots ; et quand ils entendirent que leurs gens avoient fait leur fait et que ils se retraioient en Angleterre, ils firent partir les messages du roi de France, messire Aymard de Marse et les autres ; et leur baillèrent deux sergens d’armes du roi d’Angleterre pour eux mener sauvement parmi Angleterre jusques en Escosse, et faire ouvrir villes et chastels encontre leur venue. Si se mirent au chemin les dessus dits pour venir vers Escosse.

Tant exploitèrent par mer les chevaliers de France dessus nommés, eux départis de l’Escluse, en costiant Hollande et Angleterre, et en éloignant les périls de rencontre des Anglois sur mer, et firent tant que ils arrivèrent en Escosse sur un port que on dit Monstrose. Quand les Escots qui demeuroient en la ville entendirent que c’étoit François qui étoient là venus pour trouver les armes, si leur firent bonne chère et les adressèrent de tout ce qui leur besognoit à leur loyal pouvoir. Quand ces chevaliers et écuyers se furent rafreschis deux jours, et ils orent appris des nouvelles, ils se départirent et montèrent sur hacquenées et vinrent à Dondie, et firent tant, à quelque peine que ce fût, que ils vinrent à Saint-Jean-Ston, une bonne ville en Escosse où la rivière de Tay cuert ; et là a bon hâvre de mer pour aller par tout le monde. Eux venus en la ville de Saint-Jean ils entendirent que les Anglois étoient retraits, et que le roi et les seigneurs d’Escosse étoient à Haindebourch en parlement ensemble. Adonc ordonnèrent-ils que messire Garnier de Quensignich et Michel de la Barre iroient devers le roi à Haindebourch, et les barons et les chevaliers du pays, pour savoir quelle chose ils pourroient faire ; et leur remontreroient à tout le moins la bonne volonté qui les avoit mus de partir de Flandre pour venir en Escosse ; et messire Geoffroy de Chargny et les autres demeureroient là, tant que ils auroient ouï leur volonté et leur relation.

Si comme ils avoient ordonné ils firent : si se partirent de Saint-Jean, et firent tant que ils vinrent à Haindebourch, où le roi et le comte de Douglas le jeune, qui s’appeloit Jacques, car le comte, son père, qui s’appeloit Guillaume, étoit nouvellement mort, et les comtes de Mouret, de la Mare, et les comtes de Surlant et d’Ourquenay, le seigneur de Versy, le sire de Lindesée, qui étoient six frères, tous chevaliers, étoient tous ensemble. Et firent ces seigneurs d’Escosse aux chevaliers de France et à Michel de la Barre très bonne chère. Messire Garnier remontra au roi et aux barons d’Escosse l’intention de ses compagnons, et pourquoi ils étoient venus en Escosse.

En ces jours tout nouvellement étoient venus à Haindebourch les ambassadeurs de France, messire Aymard de Marse, et messire Pierre Fresnel, et Janekin Champenois, qui avoient apporté les trèves dessus dites et devisées entre le roi de France et le roi d’Angleterre ; mais les Escots y étoient rebelles et s’en dissimuloient ; et disoient que trop tard on leur avoit signifié, et que nuls ils n’en tenroient ; car les Anglois leur avoient en celle saison porté et fait grand dommage. Le roi Robert leur brisoit leur propos ce qu’il pouvoit ; et disoit que bonnement, puis que ils en étoient signifiés et certifiés, que ils ne se pouvoient dissimuler que les trèves n’y fussent. Ainsi étoient en différend le roi et les barons d’Escosse, et les seigneurs du pays, l’un contre l’autre. Et advint que les comtes de Mouret et de Douglas, et les enfans de Lindesée, et aucuns jeunes chevaliers et écuyers d’Escosse qui désiroient les armes, orent un secret parlement en Haindebourch, ensemble en l’église de Saint-Gille ; et là leur fut dit que ils fissent traire avant leurs compagnons, et ils orroient bonnes nouvelles, et tout ce ils tinssent en secret. Sur cel état s’en retournèrent-ils à Saint-Jean-Ston, et recordèrent à leurs compagnons tout ce que ils avoient vu et trouvé.


CHAPITRE CCXIX.


Comment aucuns François et les Escots, au desçu du roi d’Escosse, entrèrent en Angleterre, où ils firent grands dommages ; et comment le roi d’Escosse envoya un héraut en Angleterre soi excuser de ce et la confirmation des trèves.


De ces nouvelles furent messire Geoffroy de Chargny et les chevaliers et écuyers de France tout réjouis ; et se départirent de là et exploi-