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LIVRE II.

octaves de la Saint-Andrieu à Tournay, à cinquante chevaux ; et logèrent tous ensemble en l’hôtel du Saumon, en la rue Saint-Brice.

Le cinquième jour de décembre vinrent le duc de Bourgogne, madame sa femme, madame de Nevers leur fille, et entrèrent en Tournay par la porte de Lille. Et issirent à l’encontre d’eux sur les champs les Gantois tous bien montés ; ni oncques ne descendirent de sus leurs chevaux quand le duc et les dames vinrent ; mais à nuds chefs, sur les champs et sur leurs chevaux, ils inclinèrent le duc et les dames.

Le duc de Bourgogne passa légèrement outre, car il se hâtoit pour aller contre la duchesse de Brabant qui venoit ; et vint ce jour et entra en la cité de Tournay par la porte de la marine, et fut logée en l’hôtel de l’évêque.

Or s’entamèrent ces traités en ce parlement, qui jà étoient tout accordés entre le duc de Bourgogne et la ville de Gand ; et alloit messire Jean Delle, qui les traités avoit faits et portés, de l’un à l’autre, et en ot moult de peine. À la prière de madame de Brabant, de madame de Bourgogne et de madame de Nevers, le duc de Bourgogne pardonna tout ; et fut la paix faite, criée et accordée, escripte et scellée entre toutes parties, par la manière et ordonnance qui ci après s’ensuivent.

« Philippe, fils de roi de France, duc de Bourgogne, comte de Flandre, d’Artois et de Bourgogne, palatin, sire de Salins, comte de Rethel et seigneur de Malignes, et Marguerite, duchesse et comtesse, et dame des dits pays et lieux ; à tous ceux qui ces présentes lettres verront et orront, salut.

« Savoir faisons que, comme nos bien amés et sujets les échevins, doyens, consaulx et communauté de notre bonne ville de Gand ayent humblement supplié à notre seigneur le roi et à nous que de eux voulsissions avoir pitié, merci et miséricorde, et que notre dit seigneur et nous leur voulsissions pardonner toutes les offenses et mesfaits par eux et leurs complices commis et perpétrés contre notre dit seigneur et nous ; et il soit ainsi que notre dit seigneur et nous ayans pitié et compassion de nos dits sujets, par les autres lettres d’icelui notre seigneur et les nôtres, et pour les causes contenues en icelles ayons remis et pardonné à nos dits sujets de Gand et leurs complices les dits offenses et mesfaits, et aussi leur ayons confirmé leurs priviléges, franchises, coutumes et usages, au cas qu’ils venront pleinement à l’obéissance de notre dit seigneur et la nôtre, laquelle grâce et pardon les dits de Gand et leurs complices ont reçu très humblement de notre dit seigneur et de nous, et par leurs lettres et messages solemnels en grand nombre, qu’ils ont envoyés devers nous et les gens de notre dit seigneur étans à Tournay, ont renoncé à tous débats et guerres et sont retournés de bon cœur à la vraie obéissance de notre dit seigneur et de nous, en promettant que d’ores-en-avant ils seront bons amis et loyaux et vrais sujets à notre dit seigneur le roi comme leur seigneur souverain, et à nous comme à leur seigneur naturel, à cause de Marguerite notre compagne, et de nous Marguerite comme leur dame naturelle et héritière : pourquoi notre dit seigneur et nous, nos dits sujets de Gand et leurs complices avons reçus en notre grâce et miséricorde et obéissance, et donné lettres de grâce, pardon et rémission purement et absolument, avecques la restitution de leurs priviléges, coutumes et usages, si comme ces choses et autres peuvent plus pleinement apparoir par le contenu des dites lettres. Après lesquelles grâces et rémissions nos dits sujets de notre bonne ville de Gand nous ont fait plusieurs supplications, lesquelles nous avons reçues, fait voir et visiter diligemment par les gens de notre conseil, par grand’ et mûre délibération ; lesquelles vues, pour le bien commun de tout le pays, pour eschiver toutes dissensions qui d’ores-en-avant s’en pourroient suivre, de notre grâce, pour amour et contemplation de nos bons sujets, avons ordonné sur les dites supplications par la manière qui s’ensuit.

« Premièrement, sur ce qu’ils nous ont supplié que nous voulsissions confirmer les priviléges des villes de Courtray, d’Audenarde, de Grantmont, Nieule, Tenremonde, Rupelmonde, Alost, Hulst, Axele, Beverlies, Douse et des chastellenies et plat pays d’icelles villes, nous avons ordonné que les habitans d’icelles villes venront par devers nous et nous apporteront leurs dits priviléges, lesquels nous ferons voir par les gens de notre conseil, et iceux vus, nous ferons tant que nos dits bons sujets de Gand et ceux des autres bonnes villes en devront par raison être contens. Et si aucuns des dits priviléges étoient perdus par cas de fortune ou autrement, nous