Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[1385]
349
LIVRE II.

Namur, seigneur de l’Escluse ; Hue, seigneur d’Antoing, chastelain de Gand ; Jean, seigneur de Ghistelle et de Horne ; Henry de Bruges, sire de Disquemude et de Aure ; Jean, sire de Grimberghe ; Philippe, sire d’Axelles ; Louis de la Hazle, bâtard de Flandre ; Gérard de Rassenghien, sire de Basserode ; Gaultier, sire de Hallewyn ; Philippe de Mamines[1], sire de Eque ; Jean Villain, sire de Saint-Jean-à-la-Pierre[2] ; Jean d’Oultre, chastelain d’Yppre ; et Louis, sire de Lambres, chevaliers ;

« Et nous, burghemaistres, avoués, échevins et consaulx des villes de Bruges et d’Yppre ; et nous Philippe de Zeldequien, Mont-Franc d’Essines, Philippe de Mont-Canart, chevaliers, échevins du terroir du Franc, pour et au nom d’icelui terrouer, lequel n’a point de scel commun ; et nous, comme maîtres, échevins et conseil des villes de Malignes et d’Anvers y avons à la dite prière et requête, pour bien de paix, et en plus grand’sûreté et témoignage de vérité de toutes ces choses dessus dites et de chacune d’icelles fait mettre et mis nos sceaulx et les sceaulx des villes dessus dites à ces présentes lettres, faites et données à Tournay, le dix-huitième jour du mois de décembre, l’an de grâce mil trois cent quatre vingt et cinq. »

Après toutes ces ordonnances faites et celle charte de la paix grossée et scellée, elle fut publiée par devant les parties ; et en eut le duc de Bourgogne une, et la ville de Gand pareillement une autre. François Acreman et le commun de la ville de Gand qui là étoient prindrent moult humblement congé au duc de Bourgogne et à la duchesse, et aussi à madame de Brabant, et la remercièrent moult grandement de ce que tant elle s’étoit travaillée de venir pour leurs besognes à Tournay, et se offrirent du tout à être toujours mais à son service. La bonne dame les remercia, et leur pria moult doucement que ils voulsissent tenir fermement la paix, et amener toutes manières de gens à ce que jamais ne fussent rebelles envers leur seigneur et dame, et leur remontra comment à grand’peine ils étoient venus à paix. Ils lui orent tout en convenant de bonne volonté.

Adonc se départirent toutes parties, et r’alla chacun en son lieu. Le duc de Bourgogne et la duchesse s’en retournèrent en la ville de Lille, et là se tinrent un terme, et ceux de Gand retournèrent en leur ville.

Quand Piètre du Bois vit que c’étoit tout acertes que la paix étoit faite et confirmée par les moyens dessus dits, et toutes gens en Gand en avoient grand’joie, et ne se tailloit pas que jamais guerre, rébellion ni mautalent s’y boutât ni mît, si fut tout abus. Et eut plusieurs imaginations à savoir s’il demeureroit en Gand avecques les autres, car étoit tout pardonné, et par la teneur et scel du duc de Bourgogne on n’en devoit jamais montrer semblant ni faire fait, ou si il s’en iroit en Angleterre avecques messire Jean le Boursier et les Anglois qui se appareilloient de y aller. Tout considéré, il ne pouvoit voir en lui-même que il se osât affier sur celle paix ni demeurer dedans Gand ; car il avoit été toujours si contraire aux opinions des bons, et si avoit mis sus et conseillé tant de choses dont plusieurs maléfices étoient venus et adressés, que ces choses lui sembloient exemple et miroir de grands doutes, tant pour les lignages de Gand qui seroient plus forts que lui au temps à venir, desquels il avoit donné conseil de faire mourir ou d’occire de sa main les pères, que ces choses le mettoient en doute.

Bien est vérité que François Acreman lui dit, quand il vouloit partir et issir de Gand : « Piètre, tout est pardonné, vous savez, parmi les traités faits et scellés de monseigneur de Bourgogne, et que de chose qui avenue soit jamais, on ne peut ni doit montrer nul semblant. » — « François, François, répondit Piètre, en lettres escriptes ne gissent pas tous les vrais pardons : on pardonne bien de bouche et en donne-t-on lettres ; mais toujours demeurent les haines en courages. Je suis en la ville de Gand un homme de petite venue et de bas lignage ; et ai soutenu à mon loyal pouvoir la guerre pour tenir en droit les libertés et franchises de la bonne ville de Gand ; pensez-vous que dedans deux ans ou trois il en doye souvenir au peuple ? Il y a des grands lignages en la ville ; Gisebrest Mahieu et ses frères retourneront ; ils furent ennemis à mon bon maître Jean Lyon ; jamais volontiers ne me verront, ni les proesmes de sire Gisebrest Grutte, ni de sire Simon Bete, qui par moi fu-

  1. Oudegherst l’appelle Philippe de Massenée, seigneur d’Ecke.
  2. Le nom flamand est Saint-Jean-te-Steene, que Froissart a traduit ici.