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ADDITION AU LIVRE II.

la table des chapitres, au nombre de trois cent huit. À la suite commence la narration.

En tête de cette partie, on lit :

« Cy conmmencent les croniques de Flandres, faîctes et compillées par Jehan Froissart. »

Puis un préambule, qui est le même que je viens de donner en rendant compte du manuscrit 700, sauf une courte réflexion incidente contre les Gantois. Je rapporte ici ce préambule pour faire juger des ressemblances et dissemblances de l’orthographe de tant de divers manuscrits par celles qui se rencontrent dans deux manuscrits du même temps, copiés dans le même pays.

« Je, Jehan Froissart, prestre, de la nation de la conté de Haynau et de la ville de Vallenchiennes, et en ce temps, trésorier et chanoine de Chimay, qui du temps passé me suis entremis de traictier et mettre en prose et en ordonnance les nobles fais et haultes advenues des grans fais d’armes, qui advenus sont, tant des guerres de France et d’Angleterre, comme de ailleurs, me suis advisé de mectre en escript les grans tribulations et pestillences qui furent en Flandres, et par le fait de orgueil, et de ceulx de Gand à l’encontre du conte Louys leur seigneur, dont moult de maulx vindrent et nasquirent depuis, si comme vous orrez recorder avant en l’ystoire, et en l’Incarnation commenchant l’an de grâce Notre Seigneur mil CCC LXXVIII. »

À la suite de ce préambule commencent les chapitres. Je les ai soigneusement collationnés avec les chapitres correspondans dans le deuxième livre des Chroniques, et j’ai trouvé que Froissart n’avoit fait que reproduire sa première narration, en supprimant les chapitres d’introduction qui avaient été nécessaires dans un récit particulier, et quelques détails qui lui paroissaient superflus, soit qu’il eût corrigé ses premiers renseignemens par des renseignemens meilleurs, soit qu’une histoire générale ne lui parût pas comporter les mêmes détails minutieux qu’un récit particulier. Il peut être intéressant aujourd’hui d’examiner le travail fait par l’historien sur lui-même. Je présente donc ici cette collation exacte des deux récits, chapitre par chapitre, en ajoutant comme variante les chapitres ou passages omis dans sa révision.

Le chapitre Ier et le chapitre II sont deux chapitres d’exposition omis par l’historien dans sa grande narration ; ils sont les mêmes que dans le manuscrit 700 de Cambray, les voici :

CHAPITRE 1er.

Cy parle du commenchement des guerres et de la scituation de la ville de Gand et des rivières.

Les guerres qui en ce temps s’entreprindrent entre le conte Loys et ceulx de Gand se commenchèrent par merveilleuses incidences et par povre conseil et advis de l’une partie et de l’autre. Et tant que la guerre et hayne esmouvoit entre les dessus nommés et leur seigneur le conte, ceulx de Bruges y eubrent grant coulpe ; et vechy raison pourquoy.

Vous savez, se en Flandres vous avez esté, que la ville de Gand, c’est la souveraine ville de Flandres, de puissance, de conseil, de seigneurie, de habitacions, de scituations et de toutes choses apartenans à une bonne ville et noble, que on pourroit deviser, dire ni recorder ; et que trois grosses rivières portans navires pour aller partout le monde le servent. La plus grosse est la rivière d’Escault, et puis la rivière de la Lys, et puis la menre la Liève. Se porte elle navie et leur fait grant prouffit, car elle leur vient de l’Escluse et du Dan, dont moult de biens venans par mer leur arrivent. Par la rivière de l’Escault, qui leur descent d’amont, leur viennent tous grains et vins, le grain de Haynnau et le vin de Franche. Par la rivière de la Lys, qui leur vient d’un autre costé, leur viennent grant foison de tous grains du bon pays d’Artois et des marches environ. Ainsi et par juste raison et solucion est Gand assise et scituée en la croix du ciel. Et en devant cheste haynne et esmouvement, qui durèrent environ sept ans, de quoy tout le pays de Flandres par toutes ses parties fu tellement exilliés et malmenés que on disoit qu’il n’étoit mie à recouvrer au point où il estoit devant cent an après à venir, le conte Louys de Flandres souverainement amoit la ville de Gand et les gens de dedans, et les honnouroit et prisoit dessus tous les autres. Ce conte de Flandres fu ungs saiges, subtils et vaillans prinche, et des haultes entreprinses, et que tous ses voisins resoignoient à couroucher. Ce que de cuer il entreprenoit, il le vouloit achever, auquel meschef que ce fuist. Si avoit il au devant moult esté eureux en toutes ses