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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/372

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APPENDICE.

et monstreroit le faict et la justice du bon droict qu’il ha contre ses ennemis d’Angleterre, et le grand tort qu’ils ont tenu à ses prédécesseurs et à luy par long temps, le devoir en quoy il s’estoit mis d’entrer en tout bon traicté de paix, et les offres qu’il en ha faites ; à deux fins, l’une pour ce qu’il sçait que ses ennemis manifestent en Allemagne et ailleurs le contraire de la vérité en eux justifiant : parquoi l’empereur et les princes et son conseil qui avec luy estoient, ouï et veu ce que le roi leur diroit et feroit voir par lettres et les traictés de paix faicts et les alliances, ils peussent congnoistre et vrayement respondre et soustenir la vérité sur ce, contre ceux qui se sont efforcez et efforcent ou efforceront de parler ou de manifester et publier le contraire. L’autre raison qui à ce mouvoit le roi, estoit pour avoir le conseil et advis de l’empereur, après ce qu’il auroit ouy et veu le debvoir en quoy le roy s’estoit mis, et les offres qu’il avoit faictes pour paix avoir, s’il luy sembloit qu’il deust suffire, ou que plus avant le roy en deust faire. Auxquelles demandes et termes tous d’un accord et sans contradiction conseillèrent au roy qu’ainsi le feit. Si ordonna son dict conseil et plusieurs autres estre assemblez au lendemain, et aussi feit sçavoir à l’empereur que à celle heure luy et son fils, les princes, prélats et autres gens de son conseil qui en sa compaignie estoient venus, feussent au dict lieu du Louvre à la dicte heure pour ouyr ce que le roy vouloit dire et monstrer.

Et fut le vendredy huictiesme jour de janvier. Et celuy jour au matin vint voir le roy l’empereur privément, et luy apporta et donna un bel coffret garny d’or et de pierrerie d’une espine de la saincte couronne et d’un os de Sainct Martin, et depuis luy donna de Sainct Denys. Car moult fort en desiroit à avoir, et en avoit requis le roy. Et ce dict jour après disner, le roy et l’empereur vindrent ensemble en la chambre à parer du Louvre, et y estoit le roy des Romains et ceux qui ensuivent de la part de l’empereur : l’évesque de Bamberg, son chancelier, et deux autres clercs notables, les ducs de Brabant et de Saxen, et les trois ducs dessus nommez, le haut maistre de son hostel et son grand chambellan, le seigneur de Colditz et plusieurs autres seigneurs, comtes, barons et chevaliers jusques au nombre de cinquante personnes et plus : et de la part du roy y en avoit bien autant et plus, et y estoient des principaux et plus notables ceux qui s’ensuyvent : c’est à sçavoir, les ducs de Berry, de Bourgongne, de Bourbon et de Bar, le seigneur de Coucy, les comtes de Harcourt, de Tancarville, de Sarbruck et de Brenne, messire Jacques de Bourbon, le mareschal de France Mouton de Blanville et le seigneur de Rayneval, messire Philebert de l’Espinace, messire Thomas de Voudenay, messire Arnauld, de Corbie chevaliers, et plusieurs autres ; et des gens du conseil du roy y estoient : son chancellier, l’archevesque de Rheims, les évesques de Laon, de Paris, de Beauvais et de Bayeux, et l’abbé de Sainct-Vaast, et autres clercs et laiz du conseil du roy, tant de parlement comme d’autres. Et estoient l’empereur, le roi, et le roi des Romains en trois chaires couvertes de drap d’or, et les autres assis a double forme en manière de siége de conseil. Et print le roi à parler et monstrer les faicts en besongnes dessus escriptes par long espace de deux heures et plus, et print sa matière des premiers temps du royaume de France, et après de la conqueste de Gascongne que feit Sainct Charlesmaigne quand il la conquit et convertit à la foy chrestienne, que le dict pays fut soubsmis à la subjection du royaume de France : et sans interruption et contradiction ha toujours depuis esté : et ceux qui en ont tenu les domaines et spécialement les ducs de Guyenne, tant roys d’Angleterre comme autres, en ont tousjours faict hommaige lige et recognoissance aux roys de France comme à leur droict seigneur, à qui est le fief : et si ce n’ha esté depuis le temps d’Édouard d’Angleterre dernier mort, n’y fut oncques mis aucune contradiction : et mal à point le feit puis qu’il eut faict hommaige au roi Philippes ayeul du roy à Amiens, et le recogneut son seigneur et roy de France : et depuis le dict hommaige fait, luy revenu en Angleterre, par l’espace d’assez long temps ratiffia par ses lettres scellées de son grand seau et approuva le dict hommaige avoir esté lige, plus fort et plus avant que par paroles n’avoit esté faict au dict roi Philippes, comme plus à plain appert par les lectres sur ce faictes, desquelles feurent montrez les originaux scellez au dict empereur, avec toutes autres chartres plus anciennes de ses prédécesseurs les roys d’Angle-