Aller au contenu

Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/737

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[1388]
731
LIVRE III.

Graa[1], messire Thomas Helton[2], messire Jean de Felleton, messire Jean de Liebon[3], messire Guillaume Walsinchon[4], messire Thomas Aubrinton[5], le baron de Helton[6], messire Jean Colpedich[7], le sénéchal d’Yorch et plusieurs autres ; et tous à pied que vous l’entendez.

Là fut la bataille dure et forte, et bien combattue ; mais ainsi que les fortunes tournent, quoique les Anglois fussent le plus et tous vaillans gens et bien usés d’armes, et que ils assaillirent leurs ennemis vaillamment, et les reculèrent et reboutèrent de première venue moult avant, les Escots obtinrent la place. Et furent tous pris ces chevaliers dessus nommés, et encore plus de cent autres, excepté Mathieu Rademen capitaine de Bervich. Cil, quand il vit la déconfiture et que leurs gens s’ouvroient et fuyoient devant les Escots de tous lez, et chevaliers et écuyers se rendoient, et Escots les fiançoient, il monta à cheval et s’en partit, quand il vit bien que nul recouvrer y avoit et que leurs gens se fendoient de tout côtés. Envis le fit ; mais tout considéré il ne pouvoit pas tout seul recouvrer la bataille. Si prit le chemin pour retourner vers le Neuf-Chastel-sur-Tyne.

Ainsi se deffouquoient aucuns Anglois qui l’avis et le loisir en avoient, et se sauvèrent, car en armes aviennent moult de choses. Et sachez que celle bataille fut durement bien combattue et vaillamment maintenue ; et fut pour les Anglois moult infortunée, car ils étoient trois fois plus de gens que les Escots ; mais ce que d’Escots il y avoit, c’étoit toute la fleur de leur royaume ; et bien le montrèrent, car ils avoient plus cher à mourir que reculer, par défaut de courage, un arpent de terre ; et sachez que Anglois et Escots, quand ils se trouvent en bataille ensemble, sont dures gens et de longue haleine, et point ne s’épargnent ; mais s’entendent de eux mettre à outrance. Ils ne ressemblent pas les Allemands qui font une empeinte, et quand ils voient qu’ils ne peuvent vaincre et entrer en leurs ennemis ils s’en retournent tout à un fait ; nennil Anglois et Escots, mais ils sont d’une autre opinion ; car en combattant ils s’arrêtent sur le pas, et là fièrent et frappent de haches où d’autres armures sans eux ébahir, tant que haleine leur dure. Et quand par armes ils se rendent l’un à l’autre ils font bonne compagnie sans eux trop travailler de leur finance, mais sont très courtois l’un à l’autre, ce que Allemands ne sont pas ; car mieux vaudroit un gentil homme être pris des mécréans, tous payens ou Sarrasins, que des Allemands ; car Allemands contraignent les gentils hommes en double prison de ceps de fer, de bois, de grésillons et de toutes autres prisons hors de mesure et raison, dont ils meshaignent et affoiblissent les membres d’un homme pour estordre plus grand’finance. Au voir dire en moult de choses Allemands sont gens hors de rieulle de raison, et c’est merveille pour quoi nuls conversent avec eux avec eux ni qu’on les souffre à armer avec eux, comme François et Anglois qui font courtoisie, ainsi qu’ils ont toujours fait ; ni les autres ne le feroient ni le voudroient faire.

Au retourner au droit procès de mon propos, ce jour il y eut moult crueuse bataille entre les Anglois et les Escots, car ils étoient gens d’une part et d’autre de grand’volonté. Les Anglois étoient moult vergogneux de ce que avis leur étoit que les Escots n’étoient qu’une poignée de gens au regard d’eux, et si ne pouvoient avoir victoire sur eux ; et ils étoient toute fleur de chevalerie et d’écuyerie du comté de Northonbrelande ; or regardez donc s’ils vouloient fuir ; m’aist Dieu, nennil, tant que amender le pussent.

Sus le point de la déconfiture, et entrementes que on fiançoit prisonniers, en plusieurs lieux et encore par foules et par troupeaux on se combattoit, ainsi que les gentils hommes et les bons batailleurs se trouvoient. Sur le point que j’ai dit, fut enclos des Escots, un écuyer anglois, lequel s’appeloit Thomas Waltem et étoit de l’hôtel et de la charge du seigneur de Percy, bel homme et vaillant aux armes et hardi ; et bien le montra, car ce soir et la nuit ensuivant il fit grand’foison d’armes, et ne se daigna oncques rendre ni fuir. Et me fut dit que celle affaire il avoit prévu ; et avoit dit ainsi, en cel an, sur une fête de seigneurs et de dames qui fut en Northonbrelande, que la première fois que Anglois

  1. Thomas Graham.
  2. Lord Haltoun.
  3. John Lilburn.
  4. William Walsingham.
  5. Thomas Abington.
  6. Lord Haltoun.
  7. Sir John Copeland.