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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/254

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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

conseil. Et envoya tantôt faire ses pourvéances grandes et grosses, par mer et par terre à Calais ; et aussi firent tous les seigneurs. Et fut le duc de Glocestre prié de par le roi d’aller en ce voyage, la duchesse sa femme et ses enfans aussi ; et pareillement les duchesses d’Yorch et de Lancastre ; mais celle étoit toute priée, car elle se tenoit à Eltem de-lez le roi avec le duc de Lancastre son mari. Et se départirent le roi et le comte de Saint-Pol tous ensemble, et chevauchèrent vers Cantorbie et vers Douvres. Et après eux les suivoient les seigneurs qui aller en ce voyage devoient et qui priés en étoient. À voire dire, le comte de Saint Pol, pour rapporter ces nouvelles en France devers le roi, passa premièrement la mer, et vint à Boulogne ; et là lui venu, il exploita tant qu’il vint à Paris ; et là trouva le roi de France et ses oncles, et leur recorda comment il avoit besogné. Tous s’en contentèrent et se départirent de Paris et approchèrent petit à petit la cité d’Amiens ; et le roi d’Angleterre et ses oncles vinrent à Calais et là se logèrent, et grand nombre de seigneurs et de dames ; et le duc de Bourgogne, sur certains traités s’en vint à Saint-Omer. Et de toutes ces besognes et approchemens d’amour, et sur traité de paix, étoient moyens le comte de Saint-Pol et Robert l’Ermite. Et vint, la nuit de la Notre-Dame en mi-août, pour lors le duc de Bourgogne à Calais, et lui amena le comte de Saint-Pol voir le roi d’Angleterre et ses oncles. Si y fut recueilli grandement et joyeusement du roi et de tous les seigneurs. Et eurent là parlement ensemble sur certains articles de paix ; auxquelles choses le roi d’Angleterre s’inclinoit du tout ; et n’avoit, au voir dire, cure quelle chose on fit : mais qu’il eût sa femme.

Quand le duc de Bourgogne eut été à Calais deux jours, et parlementé au roi d’Angleterre sur les articles de paix, le roi lui dit : que tous ces procès il feroit porter en Angleterre et les feroit remontrer au peuple ; car il, ni tous les seigneurs qui là étoient, ne les pouvoient conclure ni accorder sûrement qu’ils se tinssent fermes et estables, sans la générale volonté du peuple d’Angleterre. Et autretant bien y convenoit-il le roi retourner. Si feroit tout un voyage : « C’est bien, répondit le duc de Bourgogne ; et à votre retour toutes les choses se concluront et parferont. »

Sur cel état se départirent le duc de Bourgogne et le comte de Saint-Pol de Calais, et retournèrent à Saint-Omer, et de là à Amiens où le roi de France étoit, et la roine leur fille, et le duc de Berry, et aussi le duc de Bretagne, car le roi de France l’avoit mandé ; et y étoit venu en grand arroi. Et le roi d’Angleterre et ses oncles retournèrent en Angleterre. Mais leurs femmes demeurèrent là, et une partie de leur état, car ils espéroient retourner, ainsi qu’ils firent. En ces vacations se fit le voyage en Frise des Hainuyers, premièrement du comte de Hainaut, de Hollande et de Zélande, et de son fils le comte d’Ostrevant. Si vous conterons et remontrerons l’ordonnance, car la matière le désire.

Vous avez ouï ci-dessus comment le duc Aubert de Bavière et Guillaume son fils, comte d’Ostrevant, étoient très fort désirans de passer en Frise et de là employer leur saison pour le pays conquerre ; et aussi étoient les chevaliers et écuyers de leurs pays de Hainaut, de Hollande et de Zélande, dont le dit duc Aubert étoit par droite succession d’héritage seigneur et comte. Pour laquelle besogne avancer mettre à effet, le dit Guillaume, comte d’Ostrevant, avoit envoyé en Angleterre un sien écuyer moult renommé en armes, appelé Fier-à-Bras de Vertaing, pour avoir l’aide des Anglois ; lequel Fier-à-Bras tant fit et exploita que le roi Richard d’Angleterre, pour l’honneur de ses cousins de Hainaut avancer, envoya aucuns hommes d’armes, accompagnés de deux cens Anglois archers ; et étoient chefs et capitaines trois seigneurs anglois nommés l’un Cornouaille, l’autre Colleville, et du tiers qui n’étoit que écuyer n’ai-je pu savoir le nom ; mais bien ai été informé qu’il étoit vaillant homme de son corps et bien usé d’armes, de guerres et de batailles, et avoit eu son menton coupé en une rèse où il avoit un peu par avant été ; et lui avoit-on fait un menton d’argent, qui lui tenoit à un cordelette soie par à l’entour de sa tête.

Iceux Anglois vinrent à Encuse, à heure et à temps ainsi que paravant est dit ; mais pour la matière vérifier, j’ai été informé que le duc Aubert de Bavière, après plusieurs consultations ou consaulx qu’ils eurent ensemble lui et ses enfans, c’est à savoir monseigneur Guillaume le comte d’Ostrevant, son ains-né fils, qui étoit