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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

s’est-il point pour ce allié aux Anglois, mais s’est du tout allié aux François. Et que il soit vrai, n’a-t-il pas en mariage dame Marguerite, la fille de monseigneur Philippe le duc de Bourgogne, qui est trop plus grand’alliance que ne soit un gertier ? Et ne dites jamais que il ne doive toujours mieux aimer et faire plaisir aux François par celle alliance de sa femme que aux Anglois de son gertier. Et fera le roi très grandement son honneur ; et le prix des François en accroîtra si il leur fait aide ; et aussi fera-t-il comme sage et bien conseillé. »

Ainsi devisoient les François les uns aux autres, et parloient en moult de manières de ces emprises d’armes qui étoient en grand bruit pour ces jours. Dont les aucunes se faisoient ou devoient faire en Honguerie ou en Turquie sur l’Amorath-Baquin et les Turcs, et les autres en Frise sur les Frisons.

Le roi de France ne tarda guères qu’il fit mettre sus une armée de cinq cens lances tant de Picards comme de François, desquels il fit chefs et capitaines, pour iceux mener et conduire en Frise en l’aide de ses cousins de Hainaut, monseigneur Waleran, comte de Saint-Pol, et monseigneur Charles de la Breth, lesquels deux chevaliers étoient très bien appris et duits de tels besognes. Et durent ces deux vaillans capitaines mener iceux François en la ville de Eyncuse en la basse Frise, là où l’assemblée se devoit faire, et où on devoit monter sur mer pour entrer en la haute Frise, comme ils firent. Quand ces deux vaillans chevaliers, c’est à savoir monseigneur de Ligne et monseigneur de Jumont, virent la bonne volonté du roi et que ils furent tout certains que la chose étoit commandée, et jà l’argent des compagnons payé et délivré, ils s’en vinrent devers le roi ; et en le merciant de sa bonne providence ils prirent congé qui leur fut accordé, et s’en retournèrent en Hainaut par devers leurs seigneurs, monseigneur Aubert et messire Guillaume, le comte d’Ostrevant, son fils, qui les recueillirent moult honorablement, car ils avoient très bien exploité. Si leur recordèrent bien et au long la douce et débonnaire réponse du roi et de monseigneur de Bourgogne, son oncle, qui grandement festoyés les avoit, et fait moult de beaux dons et de beaux présens, dont ils remercièrent grandement leur seigneur le comte Guillaume d’Ostrevant ; car pour l’amour de lui il leur avoit fait tant d’honneur et de courtoisies que longue chose seroit du recorder. Si nous en tairons à tant, mais pour venir au propos ; quand le duc Aubert de Bavière entendit et sçut que le roi de France lui envoyeroit en son armée, pour son honneur accroître et avancer, cinq cens lances, ainsi que vous avez ouï, il appela et fit assembler tous ses nobles hommes, chevaliers, écuyers, gentils hommes et vassaux de son pays de Hainaut ; et y furent ceux qui s’ensuivent ; Le seigneur de Werchin, son sénéchal de Hainault, qui moult étoit vaillant homme et moult renommé en armes, le seigneur de Ligne, le seigneur de Gommignies, que il fit maréchal de ses gens d’armes, le seigneur de Haverech, messire Michel de Ligne, monseigneur de Lalaing, messire Willem de Hourdaing, le seigneur de Chin, le seigneur de Cantain, le seigneur du Quesnoy, le seigneur de Floyon et Jean son frère, le seigneur de Boussut, le seigneur de Jumont qui moult étoit aigre chevalier et expert sur les ennemis, et dès lors avoit-il les yeux tout rouges, et sembloient être fourrés de corail vermeil, Robert le Roux, le seigneur de Monchiaux, le seigneur de Fontaines, le seigneur de Senselles, messire Jacques de Sars, messire Willem des Hermoies, messire Pinchard son frère, le seigneur de Lens, le seigneur de Berlaumont, messire Anceaux de Trasignies, messire Ote d’Escauffines, messire Gérard son frère, le seigneur d’Istre et Jean son frère, messire Anceaux de Sars, messire Brideaux de Montigny, messire Daniaulx de la Poulie et messire Guy son frère, le seigneur de Mastaing, messire Floridas de Villiers, lequel étoit un moult vaillant chevalier et avoit fait de beaux voyages outre mer sur les Turcs et sur les Sarrasins, dont il étoit grandement recommandé pour un très vaillant homme, messire Eustache de Vertaing, Fier-à-Bras de Vertaing, qui tout nouvel étoit revenu d’Angleterre et avoit recordé à son seigneur le duc Aubert tout ce qu’il avoit labouré en Angleterre, dont le duc étoit moult joyeux, le seigneur de Doustesene, messire Rasse de Montigny, messire Tiecq de Merse, le seigneur de Roisin, messire Jean d’Andregnies, messire Persant son frère, et plusieurs autres écuyers et gentilshommes. Tous lesquels assemblés en son hôtel à Mons, il, très acertes, les pria et requit que tous