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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/340

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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

couronne d’Angleterre ne retournera pas au prince de Galles ni au duc de Clarence, ni jà ne seront rois d’Angleterre quoiqu’ils soient fils au roi Édouard ; mais retournera la couronne en l’hôtel de Lancastre. » En ces jours que le chevalier dit la parole, n’étoit point né Henry le comte Derby, ni ne fut sept ans depuis ; mais ces paroles me revinrent au devant, quand de mon temps je vis le comte Henry Derby roi d’Angleterre.

CHAPITRE LXIX.

Du traité du mariage encommencé entre le comte Derby et la fille au duc de Berry, et comment le roi Richard le fit empêcher par le comte Salsebéry.


Sitôt que les nouvelles vinrent en Angleterre au roi Richard, que on traitoit le mariage du comte Derby et de Marie de Berry et que les parties étoient d’accord, il entra en grand doute et mérencolie, et prit ces nouvelles en grand’déplaisance ; et dit au comte de Salsebéry, en qui il avoit grand’fiance : « Sire, il faut que vous vous ordonnez pour chevaucher en France ; et je vous baillerai lettres de créance de par nous, qui s’adresseront au roi notre père et à nos amés, son frère et leurs oncles ; et leur dites de par nous qu’ils s’avisent et regardent qu’ils n’aient nulle alliance ni conjonction de mariage à un tel traiteur comme est le comte Derby qui a voulu trahir son naturel seigneur. Et du surplus vous êtes sage assez, et si connoissez les faits et la matière ; faîtes tant que je vous en sache gré, et que le mariage en soit brisé. » Le comte de Salsebéry répondit, et dit : « J’oserai bien tout ce faire que vous me chargez ; mais si ce mariage pouvez briser par autre forme que par moi là envoyer, je vous en saurois gré. » Donc répondit le roi : « Comte de Salsebéry, ne vous excusez point, car je veuil et vous prie que vous y alliez. Et de tout ce qui naître et venir en pourra, je vous soutiendrai outre. »

Le comte répondit : « Sire, puisque vous le me enjoignez si espécialement, et que par semblant vous montrez que si vous touche, je le ferai, mais j’y vais moult envis. » — « Vous irez, dit le roi, et nul autre ; et vous hâtez avant que les alliances et convenances soient prises. »

Le comte de Salsebéry s’ordonna à ce. Les lettres de créance escriptes et scellées, il se départît du roi, qui pour lors se tenoit à Ledes et la roine aussi ; et emporta le dit comte lettres closes d’état, de par la roine d’Angleterre, au roi de France son père et à la roine sa mère. Et se hâta du plus tôt qu’il put ; et vint à Douvres, et tantôt entra en mer ; et eut vent pour lui, et arriva à Calais. Et là trouva le comte de Hostidonne, qui capitaine et gardien étoit de Calais, qui frère étoit du roi d’Angleterre ; et lui conta une partie de ses besognes. Et ne séjourna guère à Calais, quand il se mit au chemin pour aller vers Amiens ; et partout où il venoit on lui faisoit bonne chère. Et tant chevaucha qu’il vint à Paris, et descendit au Cheval-Fêtu, au Tiroi ; et lui ordonné, il alla devers le roi et les seigneurs et la roine : et bailla ses lettres, et les lettres de créance tout dernièrement. Quand le roi de France eut les lettres de créance du comte de Salsebéry, il le trait d’une part et lui demanda de la créance. Le comte lui dit et recorda tout au long ce dont il étoit chargé de par son seigneur le roi d’Angleterre, et nomma le comte Derby traître devers le roi son seigneur naturel. Quand le roi de France ouït celle parole, si lui tourna à grand’déplaisance, car il avoit jà tant aimé le comte Derby qu’il ne vouloit ouïr nul mal dire de lui ; et rendit au comte de Salsebéry ses lettres, et dit : « Comte, nous vous créons bien. Mais notre fils d’Angleterre est un petit trop fort mû contre notre cousin Derby ; et nous émerveillons grandement pourquoi il tient si longuement son maltalent, car il nous est avis qu’il seroit bien paré s’il l’avoit de lez lui ; et vous, et les plus prochains du conseil de notre fils d’Angleterre y devroient pourvoir. » — « Très cher seigneur, répondit le comte de Salsebéry, je fais ce que on me fait faire. » — « C’est vérité, dit le roi. Nous ne vous en savons nul mal gré ; et notre fils d’Angleterre sait espoir telles choses que point nous ne savons. Faites votre message partout, ainsi que chargé vous est. » Et aussi fit-il ; et pareillement au duc de Berry. Le duc de Berry ne répondit point à ce ; mais vint devers le roi à son hôtel de Saint-Pol, et lui demanda des nouvelles d’Angleterre. Le roi lui en dit, toutes telles que le comte de Salsebéry lui

    les romans de chevalerie. Les prophéties de Merlin ont été fort long-temps en grande vogue dans toute l’Angleterre. Le système de Lancastre, en rendant l’art de lire universel, a détruit toutes ces vieilles superstitions.