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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/428

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RÉDACTION PRIMITIVE

ter. Et le faisoit sievir derrière la roynne, par toutes villes, à plenté de trompes pour luy faire plus de honte, tant qu’ils vinrent à une bonne ville c’on appelle Herfort. Là fu la roynne moult honnourablement rechupte, et toute sa compaignie ; et fist la roynne une grant feste pour le jour de tous les sains qui estoit.

CHAPITRE XXIII.

Quant la feste fu passée, le dit messire Hue, qui pas n’estoit là amés, fu amenés devant la roynne et tous les barons. Si lui furent tous ses fais dis et recordés ; dont oncques riens n’y contredist. Si fu là endroit par les nobles barons jugiés à morir, de tele mort comme vous orez. Premièrement il fu traisnés sur ung bahut à trompes et à nacaires, par toute la ville, de rue en rue, et puis en une grande plache, devant tout le peuple, fu amenés et lyés sur une esquielle, leur tout le peuple le véoient. Et enmy celle place on fist faire ung grant feu. Et ensi loye on lui coppa le vit et les coulles, pour tant que l’en disoit qu’il estoit érite et bougres, et du roy meismes. Et par ce estoient d’accort d’avoir ainsi escachiet la roynne ensus du roy par son ennort. Quant son vit et coulles lut furent coppés, on les jetta au feu, et les fist-on ardoir. Après on lui fendy le ventre ; s’en osta-on, le cuer, et le jetta-on au feu, pour tant qu’il avoit le coer faulx et traytre. Après quant il fu ainsi atournés comme dist est, on luy coppa le chief, lequel on envoya à Londres pour monstrer au peuple, et le corps on mist en quattre quartiers, les quelles furent envoiés au quatre milleurs cités d’Engleterre après Londres.

CHAPITRE XXIV.

Or avez oy comment le dit messire Hue fin. Après ce fait, madame la roynne et tous les barons se mirent au chemin vers Londre. Petis et grans issirent tous hors contre la roynne et son fil aisné. Si firent grant joie à lui et à toute sa compaignie. Si donnèrent grans dons à la damme et à pluiseurs de sa compaignie, leur bon leur sambla. Et quant messire Jehan et sa compaignie furent bien festié et pluiseurs jours reposé, ils dirent à la roynne qu’ils voloient retourner en leur pays. Adonc pria moult la roynne à messire Jehan de Haynnau qu’il volsist demourer en coste ly jusques après Noël, et là dedens seroit accors pris que on feroit du roy. Et à celle prière fu messire Jehan d’acort ; mais pluiseurs firent retour en leur pays lesquels au partir la roynne fist donner moult de beaux dons d’or et d’argent et de rices joiaux, dont ils se loèrent grandement au congiet prendre. Là fisrent pluiseurs dames du pays grant honneur aux bons chevaliers au congiet prendre ; c’estoit grant joie du voir. Ainsi s’en ralèrent tout chil vaillant homme, chascun vers son lieu, fors le bon chevalier, messire Jehan de Haynnau, et aucuns de ses plus privés, qui demourèrent aveuc luy comme dit est devant.

CHAPITRE XXV.

Quant les gens de messire Jehan furent partis de Londres, adont la royne dist à ses bonnes gens que chascun s’en ralast à son hostel, horsmy aucuns de plus sages barons qu’elle retint pour son conseil ; et commanda à tous que chascun revenist au Noël à Londres, à court qu’elle voloit tenir très grande. Et quant vint au Noël tous les nobles barons et chevaliers revinrent, et aussy tout le conseil des bonnes villes du pays, pour prendre advis comment ils auroient seigneur ; car longuement ne povoient demourer ainsi. Et aussi mist on toutes les euvres et fais du roy en escript, et le malvais gouvernement qu’il avoit fait de son pays, pour lire devant les sages de le court, et ainsi fu fait. Et quant tous ses fais furent lut devant tout le conseil du pays, les barons et le conseil des bonnes villes alèrent à conseil ensamble. Et quant ils eurent tout conseilliet sur les malvais fais et usages en quoy le roy estoit trouvés coupables, il fu dit qu’il n’estoit jamais dignes de porter couronne, ne d’avoir nom de roy ; mais fu dit que son aisné fil, qui là estoit, fust couronnés tantost en lieu de son père, adfin qu’il usast par bon conseil, et que le royalme fust gouvernés et wardés sagement mieulx qu’il n’avoit esté ; et à ce furent tous d’accors.

CHAPITRE XXVI.

Adont cel accort fait, fu le josne fil couronnés à Londres, au bon jour de Noël. Si fu preux et vaillans. Ce fu fait l’an mil trois cent vingt