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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

Et adont virent bien que c’estoit voir ; si s’en rala chascun luy aisier en son logis.

CHAPITRE XLIII.

Après ce qu’ils furent aisié et que bien véoient que l’ost des Escos s’estoit enfuie, pluiseurs seigneurs et compaignons montèrent sur le montaingne où les Escos avoient logiet et alèrent vers leurs logis, mais ils trouvèrent plus de cinq cens grosses bestes qu’ils avoient tuées pour ce qu’ils ne les puoient mener. Si trouvèrent grant foison de chars cuittes et gastées, et grant foison de cuirs ; et trouvèrent aucuns Englès prisonniers liés aux arbres, et autres à qui il avoient rompus les membres, lesquels prisonniers ils délivrèrent et puis s’en retournèrent.

CHAPITRE XLIV.

Quant le roy vy que la poursieute des Escos plus avant ne leur pooit riens valoir, si se porta le conseil d’eulx deslogier, qui fu grant joie à pluiseurs, car ils avoient enduré moult de paine et de povreté. Si chevaucèrent toute jour, si avant qu’ils se trouvèrent au soir en ung bel pré où il y avoit assez à paistre pour chevaulx. Et lendemain chevaucèrent tout bellement, tant qu’ils vindrent à une court d’abéie, à deux lieuwes près de la chité de Duram. Si se loga le roy et ses gens au mieulx qu’ils peurent. Lendemain passèrent emprès Duram, et le roi et aucuns des seigneurs entrèrent dedens, là où ils trouvèrent leur caroy et harnois qui y avoient esté par trente deux jours dont il furent bien joyeux.

CHAPITRE XLV.

Lendemain atelèrent chartons leur harnois, et le roy et sa route chevaucèrent tant que dedans trois jours se trouvèrent à Ewruich, là où madame la roynne attendoit la revenue de son fil et de ses gens ; et là se retraist chascun à l’ostel dont partis s’estoit ; et l’un après l’autre prinrent congiet au roy et en ralèrent en leurs marches, horsmis aucuns des barons et des estrangiers qui encores demourèrent pour faire au roy compaignie. Si demoura messire Jean de Haynnau et toute sa route dalez le roy et la roynne. Si furent Haynuiers grandement festoyé et honnouré, et après ce relivrèrent tous leurs chevaulx à monstre, qui estoient fondu et affollé, et remonstre par parolles et preuves fu faite des mors. Si fu chascun recompensés par argent et aussi pour leurs frais du retour, ce eurent-ils tout secq. Si quirent les seigneurs petis chevaulx et haghenées pour retourner sus ; et fisrent par leurs garchons tourser baghes et sommiers, et mettre sur mer et venir à l’Escluse, et les seigneurs vinrent parmy le royalme d’Engleterre bien accompaigniés de gens d’armes, pour les archiers qui trop les haioient comme dessus avez oy. Et en convint que le roy y envoia, pour le grant soing qu’il avoit, furent douze chevaliers et trois cens hommes d’armes. Premiers y fu messire Regnault de Gobeham et messire Thomas Waghe, qui estoient meneurs de la route. Si les conduirent jusques à Douvres ; et là prinrent congiet et s’en retournèrent devers le roy ; et les Haynnuiers passèrent mer et s’en vinrent à Wissant ; et là se partirent les aucuns de messire Jehan de Haynnau, qui n’avoient point leur chemin à passer parmi Haynnau. En ceste manière se fina l’emprinse dessus les Escos, et s’en rala chascun en son lieu ; et messire Jehan remerchia moult grandement les compaignons, et par espécial les plus longtains, en leur prometant amour et service s’il leur besongnoit.

CHAPITRE XLVI.

Depuis ce ne demoura gaires que le josne roy d’Engleterre, la roynne sa mère, le conte de Kent son oncle, le conte Henry de Lenclastre, messire Rogier de Mortemer et plusieurs autres du grand conseil, envoièrent l’evesque de Nordwich et deux bons chevaliers et sages, avec deux grans clercs, par devers messire Jehan de Haynnau, en lui priant aimablement qu’il volsist mettre paine que le josne roy leur sire fust mariés, et qu’il volsist prier à monseigneur le conte de Haynnau, son frère, qu’il lui pleusyst à envoier mademoiselle Phelippe, sa belle-fille, pour le roy l’avoir à famme. Ces messages vinrent à Valenchiennes en grant aroy, et trouvèrent messire Jehan de Haynnau à son hostel de Beaumont. Se le conte r’eut tout le message dont il estoient enchargiés. Quant messire Jehan eut oy leur message et il les eut festié, ensi que bien le savoit faire, il les envoia devers le conte son père. Là furent grandement rechups, et de madamme