Aller au contenu

Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
432
RÉDACTION PRIMITIVE

CHAPITRE LI.

En peu de temps après ce que messire Guillame de Douglas fu partis d’Escoce, aucuns vaillans seigneurs et sages, pour mettre bone et seure paix entre le royaulme d’Engleterre et celui d’Escoce, traitèrent devers le conseil du roi d’Engleterre pour avoir sa soer en mariage et estre roynne d’Escoce ; et tant y eut de traictiés que le mariage se fist. Et envoia le roy d’Engleterre mademoiselle Ysabel sa seur moult honnourablement devers le josne roy David d’Escoce, lequel le rechuspt grandement et à grant honneur, et l’espousa à grant joie à Bervich en Escoce. Or me tairay ung petit des besongnes d’Engleterre et d’Escoce, et revenray au noble roy Charle de France.

CHAPITRE LII.

Ce roy Charle fu trois fois mariés, et si morut sans avoir hoir malle de nulle de ses famines, dont ce fu pitet, si comme vous orez chy après. La première de ses femmes fu la plus gente et li une des plus belle du monde, et fu fille le contesse d’Artois. Cele damme garda mal son mariage et se mesfist, parquoy elle fu longtemps en prison ou chastel Gaillard, en moult grant meschief, ainchois que son mary fust roy. Quant le royalme de France lui fu escheu, et il fu couronnés, les pers et les barons de France, pour ce qu’il n’avoit point sa famme et ils désiroient qu’il euist hoir malle, ils traitèrent tant qu’il fu remariés à la fille de l’empereur Henry de Luxembourch et seur au noble roy de Behaigne. Et fist-on tant que, par déclaracion de nostre saint père le pape, que le mariage de celle damme qui estoit en prison fu desfais. De celle seconde famme de Luxembourg, qui moult bonne fu et prude famme, eut-il ung fil qui mourut josne. Assez tost après morut la mère à Ysodun en Berry, moult soupeçonneusement tous deux, si comme renommée courut ; et en furent aucunes gens soupeçonnés. Après ce roy Charle fu remariés le tierce fois à le fille de son oncle, fille monseigneur Loys d’Evreuls, et fu nommée la bonne roynne Jehanne, seur au roy de Navare qui adont estoit. Or advint que celle damme fu enchainte, et le roy s’accoucha malade au lit mortel. Quant il perchupt que morir lui convenoit, il ordonna que se la roynne sa femme s’acouchoit d’un fil, il voloit que messire Phelippe de Valois son cousin germain en fust mainbour, et régent de tout le royalme jusques adont que ly enfès aroit eage ; et s’il avenoit que ce fust une fille, les douze pers et les autres barons euyssent advis et conseil sur ce, de mettre et de donner le royalme à celuy qui par droit le deveroit avoir.

CHAPITRE LIII.

En ces devises, le roy ala morir le dix septième jour de mars, l’an mil trois cent vingt huit. Bientost après la royne s’acoucha d’une fille, dont pluiseurs du royalme furent durement troublé. Et quant les douze pers et les grans barons de France sceurent ce ils s’asamblèrent à Paris, et donnèrent le royalme, de commun accort, à monseigneur Phelippe de Valois dessus nommé, et en r’ostèrent le royne d’Engleterre et son fil le roy, elle qui estoit demourée seur germaine au roy Charlon darrain trespassé ; par le raison qu’ils dient : que le royalme de France est de si grant noblesce qu’il ne doit par succession aler à fumelle ne à fil de fumelle. Et par conséquent, ainsi que vous avez oy au commencement de ce livre, or furent ainsi d’acors les pers et les barons de France de couronner à roy Phelippe de Valois, lequel conte avoit esté frère au bel roy Phelippe père à ce roy Charlon, par laquelle succession il eut le royalme. Après celle éleccion, gaires ne demoura que le nouvel roy Phelippe s’en vint vers Rains, pour luy faire sacrer et couronner ; et fist son mandement pour y estre le merquedy de la Pentecouste. Et le jour de le Trinitié, advint qu’il devoit recepvoir ce sacrement. Dont s’esmurent tous les grans seigneurs parmy le royalme, et pluiseurs en l’Empire qui la vinrent pour luy honnourer. Charles le roy de Behaigne et Phelippe le roy de Navare à ce jour l’adestrèrent, et là furent le duc de Brabant, le conte de Haynnau, messire Jehan de Haynnau, le duc de Bretaigne, le duc de Bourgoingne, le conte de Blois, nepveu au roy, le conte d’Alenchon, le conte de Flandres, messire Robert d’Artois qui mis y avoit grant peine à cel couronnement, le duc de Lorraine, le comte de Bar, le conte de Namur, le conte d’Auçoire, le duc de Bourbon, le sire de Couchy, le conte de Saint-Pol, le conte d’Aumalle, le conte de Harcourt ; et tant d’autres grans seigneurs que c’est merveille s’i accordèrent.