Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


446
RÉDACTION PRIMITIVE

CHAPITRE XCI.

Loys de Baivière, roy d’Alemaigne et empereur des Romains pour le tems, n’avoit point en grant chierté le roy de France, par aucunes raisons ; par quoy il s’acorda légièrement à conforter le roy d’Engleterre ; et respondy aux messagers, sitost qu’ils eurent dit : « Selon les drois de l’Empire, il nous samble que le roy d’Engleterre a droit à l’éritage de France. » Et là où le roy lui requeroit ayde pour son droit poursievir, il ne lui devoit ne voloit falir. « Si direz au roy d’Engleterre que fiablement il me viengne véoir et esbatre dalez-moy ; si s’acointera des Almans, et je l’en aideray aussy. » De ceste responsse furent les seigneurs messagers moult lies, et prinrent cengié et se partirent de l’empereur et de l’emperesse, madame Marguerite de Haynnau, qui au départir leur donna beaux dons, pour l’amour de sa soer la roynne d’Engleterre ; et eulx revenus oultre, récordèrent leur message et baillèrent les lettres au roy, venans de l’empereur et d’aultres seigneurs, tels que le marquis de Misse et d’Euriant, le marquis de Brandebourch, l’arcévesque de Maïence et celuy de Coulongne. Si trouva le roy en leurs escripcions salus et amistés et toutes promesses de confort et d’ayde ; dont il fu moult lies. Sachiés que sur ces pourchas que le roy d’Engleterre faisoit, en vint aucune congnoissance au roy Phelippe, comment il se proposoit à guerroier et qu’il aquéroit amis à tous lez. Si se doubta ; et non pour quant il n’en faisoit point grant conte, car il estoit grans et puissans, et pau doubtoit la puissance des Englès.

CHAPITRE XCII.

Or avez oy comment le roy de France, par dévocion, il avoit empris le croix pour aler oultre-mer, et moult de bonnes gens lui avoient couvent d’aler avec lui. Enfin par son conseil lui fu dit qu’il ne pooit widier sur les paroles qu’il ooit dire des Englès. Et ossi le pape lui deffendy, et dyspensa tous ceux qui juré l’avoient.

CHAPITRE XCIII.

En ce temps se tenoit le conte Loys de Flandres à Gand, et les tenoit à amour ce qu’il pooit ; car le roy de France l’en prioit moult ; et aussi lui prioit moult qu’il gardast bien les frontières de le mer, par quoy Englès n’euissent nul avantage en son pays. Ce conte de Flandres estoit bons François et loyaulx ; et bien y avoit raison, car il n’y avoit gaires que le roy l’avoit remis en son pays par force, quant les Flamens furent desconfis à Cassel, comme vous avez oy cy dessus en l’istore du couronnement le roy de France. Adont fist le conte de Flandres couvertement aler sodoiers sur mer, qui costioient les marches d’Engleterre ; et quant ils véoient leur plus bel, il s’adonnoient à gaignier ung vaissel ou deux, se il le trouvoient.

CHAPITRE XCIV.

En ce temps mist le roy d’Engleterre gens sur mer, pour son pays et les marches garder des péris des escumeurs de mer. Encore par l’ordonnance de son conseil, et pour constraindre les Flamens et mettre en son dangier, il fist clore tous les pas d’Engleterre, et deffendre que nuls n’y envoiast ne vendist laines ne aultres denrées, affin que le commun qui n’avoient de quoy ouvrer se courrouçaissent. Et quant ce eut un terme duret, marchandise et drapperie empira durement ; et les gens de mestier comencèrent fort à apovrir, car ils n’avoient de quoy ouvrer, et par espécial de drapperie, et sans ce ne se pooient longuement bien maintenir. Si widoient assez d’honnestes gens et s’en aloient mendier et demourer en Haynnau, en Brabant, en Artois et en aultres pluiseurs lieux. Si mandoit le roy d’Engleterre souvent aux bonnes villes que, s’il n’estoient de son accort, qu’il les tenroit encores en plus grant dangier. Pourquoy les bonnes villes furent ensamble pluiseurs fois à parlement, pour savoir comment il se poroient maintenir. Et vaulsissent bien les pluiseurs que on tenist le roy d’Engleterre à amour ainchois que celui de France, car plus grant prouffit leur en pooit venir ; mais le conte de Flandres se metoit songneusement en leurs consaulx, et leur brisoit leur propos qui estoient à leur commun proufit.

CHAPITRE XCV.

Encore n’avoit nulles desfiances entre les deux rois adont, et possessoit encore le roy d’Engleterre le Pontieu qu’il tenoit en foy et en hommage du roy, de par madamme sa mère, et plui-