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RÉDACTION PRIMITIVE

par la proismeté de madame sa mère, s’aucuns drois devoit avoir aux heritages, salve vostre honneur, vous fériés bien si vous consentiés que aucunement il y fust wardés, et par quoy vous demourissiez bon amy, qui estes si grans et si prochain amy. Si vous prie chièrement à ce que je soie oye de vous, et que vous veulliés vostre conseil envoier à Valenciennes comme en convent l’avez. » Lors respondy le roy qu’il en aroit advis.

CHAPITRE XCIX.

À ceste response se partirent du roy et revinrent à leurs hostels, et le laissèrent ensy, pour luy conseillier, l’espasse de trois jours. Et quant revinrent vers luy, il dist finablement qu’il ne trouvoit point qu’il le deuist faire ; car s’il le faisoit, il donroit à entendre au roy d’Engleterre qu’il euist aucun droit à ceste querelle. Et quant il virent que aultre response n’en pooient avoir, il prirent congiet et retournèrent à Valenchiennes devers le conte et les Englès. Si contèrent tout ce que le roy leur avoit dit et respondu. Et quant les Englès oyrent le response, s’en eurent grant merveille, et s’en tinrent moult mal content du roy de France. Lors demandèrent conseil au conte, et le conte leur respondy : « Vous savez bien sur quel estat vous estes party du roy vo seigneur, et vous véez que vous avez trouvé. Si l’en dittes la vérité, et sur ce il ait advis. » Dont dist l’évesque de Nicolle : « Sire, nous savons bien que, quant nous revenrons par delà, messire le roy ne requerra aultre conseil que de faire guerre au plus tost qu’il porra, considéré ce que nous avons trouvé. Si nous sambleroit bon que, à vo titre, fuissent mandé, de par le roy et de par vous, aucuns des seigneurs de l’Empire, affin qu’ils venissent en lieu où vous et nous peussons parler à eulx, pour eulx prier qu’il soient prest de faire le confort qu’il ont promis au roy no seigneur. » Adont dist le conte : « Vous conseilliés bien ; si le ferons ainsi. »

CHAPITRE C.

Dont escriprent d’un accort le conte de Haynnau et les seigneurs d’Engleterre, comme messagiers de par le roy d’Engleterre, à aucuns des seigneurs de l’Empire, tels que au duc de Guerles, au marquis de Jullers, à l’arcévesque de Coulongne, à monseigneur Galleran son frère et au marquis de Brandebourch, que ils volsissent venir en Haynnau jusques à Valenchiennes devant le conte, à ung parlement qui estre y devoit. Ceulx qui priet furent ne s’escusèrent point ; mais escriprent qu’il y seroient volentiers au jour. Or poez croire que dedens ce jour du parlement, qui n’estoit mie si tost, ces seigneurs d’Engleterre pourcachoient en pluiseurs lieux, à le fois en Flandres et ès bonnes villes, pour eulx acointier des plus vaillans bourgois et des communs. Si tenoient grant estat, et despendoient largement, et donnoient grant disners pour toudis acquérir grace ; et prometoient que se les Flamens estoient amis aux Englès, ils aroient marchandise et autre amour au roy et au pays. Adont avoit à Gand ung chevalier que on appelloit messire Simon le Courtrisien, anchien homme et riche, et qui volentiers festioit et recepvoit les estrangiers, et espécialment chevaliers et barons d’onneur. Si compaignoit ces seigneurs d’Engleterre quant il venoient à Gand, et faisoit toute le bonne compaignie qu’il pooit, Si l’en vint mal ; car le roy de France et le comte de Flandres en furent infourmés. Si doubtèrent qu’il ne volsist attraire les coers des bonnes gens du pays à le oppinion du roy d’Engleterre. Dont, pour eulx mieulx asseurer, le conte le manda à ung certain lieu. Luy venu au mandement, il fu pris et livrés au conestable de Flandres, et puis à celui de France. Si fu assez tort après décolés ; dont grant murmuracion fu ens ou pays ; et s’en esmurent grant haynne sur le conte et son conseil. Car ce fu fait moult hastivement, selon ce qu’il estoit de grans amis, et prissanment riches hons. Depuis le mort de ce seigneur, les chevaliers d’Engleterre n’osèrent si à plain hanter ens ou pays de Flandres. Si se tinrent en Haynnau, dalez le conte qui bonne chière leur faisoit.

CHAPITRE CI.

Or vint le jour que les seigneurs d’Alemaigne vinrent au parlement à Valenchiennes ; et y eut ceulx qui s’enssievent. Il y fu : le duc de Guerles, le marquis de Jullers, le marquis de Brandebourch, l’arcévesque de Coulongne, le seigneur de Franquemont, le sire de Divort, messire Ernoult de Bakem, de conte des Mons, et le sire de Cuck de par le duc de Brabant. Et là furent plui-